Ça revient à chaque année
À chaque année, les mêmes lamentations du patronat reviennent avec, en prime, une grosse couverture médiatique et l’oreille sensible de nos gouvernements. À ses yeux, il y a trop d’impôts et de taxes, de lois sur le travail et l’environnement, de salaire minimum et de syndicats, de complications administratives afin d’encaisser leurs grosses subventions, de règles et de contrastes à la venue et à l’embauche de travailleurs immigrés, de permis à demander comme ceux liés au zonage et à l’urbanisme, etc. L’enfer quoi, même si ces dernières années les entreprises petites, moyennes et grandes ont été très rentables. Tant qu’à y être, pourquoi ne pas se plaindre du coût élevé des professionnels et des documents à remplir (fiscalistes, avocats et banques) afin de dénicher les failles dans la loi de l’impôt ou d’œuvrer librement dans certains paradis fiscaux?
Et qui dit lois et règlements dit des papiers à remplir pour nos PME engloutis par le monstre de la paperasse. C’est pourquoi qu’en 2017, la Fédération de l’entreprise indépendante (FCEI) a instauré la «Semaine de sensibilisation à la paperasse». Vraiment touchant! Il y a la semaine de sensibilisation à l’environnement, à la pauvreté, à la maladie et d’autres, maintenant place à la «Semaine de sensibilisation à la paperasse». Il faut donc, pour avoir moins de paperasse, avoir moins de règlements de toutes sortes. Il faut continuer à moderniser le Québec et à accentuer la totale liberté du marché.
Maxime Bernier et Monique Jérôme-Forget à la rescousse
Maxime Bernier, alors ministre conservateur à la Petite entreprise et au Tourisme et son boss d’alors, Stephen Harper, deux adeptes du moins d’État, ont même créé en 2012 la Commission sur la réduction de la paperasse. Franchement, on ne lésine devant rien pour «accommoder» nos créateurs de richesse : «Ottawa allège le fardeau de la paperasse des PME» (La Presse, 2 octobre 2012). Bravo à Justin Trudeau d’avoir aboli cette ridicule Commission sur la réduction de la paperasse.
Même qu’en 2004, la présidente libérale du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, une autre qui voulait «réingénierer» le Québec, a coupé drastiquement dans l’«orgie» bureaucratique : «Moins de paperasse pour les PME» (La Presse, 6 mai 2004). Les PME étaient contentes mais pas beaucoup. C’est pourquoi elles reviennent à la charge chaque année. En 2018, c’était «La paperasse coûte cher aux PME» alors qu’en 2003 c’était «La bureaucratie coûte cher aux PME» (Le Journal de Montréal, 22 janvier 2018 et La Presse, 15 octobre 2003). Au moins, il y a cohérence dans le discours patronal, qui a de la suite dans les idées!
Les caquistes en renfort
Même si en 2017 le Québec obtenait de la part de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante la note A en matière de réduction de paperasse, il y avait encore trop de formulaires à remplir et il y en aura toujours trop, un point c’est tout : «Bureaucratie. En matière de paperasse, le Québec reçoit la meilleure note au Canada» (Le Devoir, 25 janvier 2017).
Encore une bonne nouvelle, comme toujours en fait, pour la satisfaction des besoins essentiels de nos entreprises : «Québec (CAQ) veut (encore) réduire la paperasse pour les PME. Le gouvernement (caquiste) lance une (autre) consultation en vue d’un allégement réglementaire et administratif» (Le Devoir, 4 décembre 2019). Bonne nouvelle pour les PME car c’est le député Youri Chassin qui pilotera cette importante démarche. Il me semble que l’on a d’autres problèmes plus importants à résoudre au Québec. C’est du moins mon humble avis.
Pour ceux qui ne le connaissent pas beaucoup, Youri Chassin est économiste et a travaillé plusieurs années, comme Maxime Bernier, pour l’Institut économique de Montréal (IEDM), un organisme de lobby patronal qui prêche toujours et en tout temps pour moins d’État, moins de syndicats, moins de services publics, moins de règlements, moins d’impôts, etc. La belle affaire! D’après-vous, Youri va recommander quoi? Les caquistes nous prennent vraiment pour des cruches que l’on peut remplir à satiété.
Et vint Pierre Fitzgibbon en soutien
Le ministre caquiste de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, celui qui intervient dans beaucoup de dossiers, de même que le ministre de l’Énergie et des ressources naturelles, Jonathan Julien et André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, viendront épauler Youri Chassin. On peut dire que les caquistes y mettent le gros paquet.
Les travaux ne sont pas encore commencés et déjà Pierre Fitzgibbon essaie de nous endormir en disait : «Ce n’est pas un exercice de déréglementation mais d’allègement réglementaire». Ben oui, on peut facilement diminuer la paperasse sans déréglementer. On nous prend pour des valises comme quand les libéraux de Charest et de Couillard coupaient généreusement dans nos services publics et nous disaient que les services à la population ne seraient nullement touchés. Leur leitmotiv passe-partout était : «On peut faire plus avec moins». Ce qu’on s’en fait dire des inepties par nos élus, le patronat et leurs domestiques universitaires.
Pas plus tard qu’en 2017, les PME elles-mêmes appelaient à couper dans la réglementation afin de réduire la paperasse : «Réduction de la paperasse. Les PME demandent aux provinces de mettre un cran d’arrêt à la réglementation» (Le Devoir, 24 janvier 2017). Est-ce que monsieur Fitzgiddon a quelque chose à ajouter? Le patronat est trop modeste dans ses demandes et ses supplications : mettre un cran d’arrêt à la réglementation ne suffira pas, il faut la réduire de beaucoup et rapidement. Il faut faire confiance à nos entreprises et simplement leur demander d’appliquer les règlements sur une base volontaire. Nos créateurs de richesse peuvent s’auto-discipliner. Ainsi plus libres, elles pourront alors «moins» créer de la richesse collective. À bas tous les irritants et obstacles au développement et à la croissance économiques. Comme le dit souvent François Legault : le pragmatisme est de mise.