
Photo de Thomas G. sur Pexels.com
Le nouveau président de la Caisse : un ex-banquier
Je trouve effrayants les propos tenus par le nouveau PDG de la Caisse de dépôt, monsieur Charles Émond, sur les tenants et aboutissants des paradis fiscaux. Tel que rapporté dans le Journal de Montréal du 21 février 2020, il a dit le plus sérieusement du monde que : «Les paradis fiscaux sont là pour rester». Franchement inadmissible que cet ex-dirigeant à la Banque Scotia (des adeptes des paradis fiscaux comme toutes les banques canadiennes), maintenant dirigeant d’un organisme public, prononce une telle ineptie. Si on comprend bien, il ne faut plus lutter contre et chercher à éliminer ces paradis fiscaux dirigés par les maîtres économiques du monde même si, avec des gouvernements vraiment au service du peuple, on devrait déclarer et rendre ces oasis fiscaux illégaux. Ils privent les États de milliards de dollars chaque année : «8% de la richesse mondiale séjourne dans des paradis fiscaux» (Le Devoir, 25 novembre 2014).
Les paradis fiscaux appréciés par l’élite canadienne
Uniquement en 2018, les entreprises et les riches contribuables canadiens ont «investi» 353 milliards de dollars dans 12 paradis fiscaux que rapportait le Journal de Montréal du 24 avril 2019 : «Paradis fiscaux : une somme colossale de 353 milliards a quitté le Canada en 2018». Et le 18 juin 2019, ce même quotidien titrait : «Le fédéral (sans compter les provinces) floué de 26G$ en taxes et impôts chaque année», selon une étude de l’Agence du revenu du Canada. Des entreprises et des Crésus qui cachent leur fric dans les paradis fiscaux comme les Îles Vierges britanniques (31 000 habitants), les Îles Turks et Caïcos (35 000 habitants), les Îles Caïmans (62 000 habitants), les Îles Cook (17 000 habitants), etc. Bien non, il ne faut pas s’attaquer aux paradis fiscaux qui ont, selon certains, leur utilité et leurs raisons d’être. Il vaut mieux s’attaquer aux services publics et aux salaires des commis d’État, n’est-ce pas?
Ce n’est pas de l’évitement fiscal pour Charles Émond
Attendez, ce n’est pas fini. Le monsieur de la Caisse a dit que les paradis fiscaux sont utilisés par notre gratin simplement et pragmatiquement comme «terrains neutres pour structurer des transactions financières internationales. Pour Charles Émond, ce n’est pas de l’évitement fiscal». Ayoye, le quidam vient nous dire sans rire que les paradis fiscaux ne font pas dans l’évitement fiscal, alors que dans les faits c’est ce qu’ils font. Vraiment, il nous prend pour quoi? Des valises.
Double imposition, vous dites?
Comme si ce n’était pas assez, il a ajouté que la Caisse de dépôt et les autres entreprises et nantis utilisent à satiété les paradis fiscaux simplement pour éviter la double imposition, ce qui est bien évidemment faux. Aie, les paradis fiscaux sont utilisés pour ne pas payer aucun impôt. Zéro, niet!
La double imposition n’existe que dans son esprit car tous les pays occidentaux et autres ont des ententes fiscales qui justement évitent et éliminent la double imposition en permettant de déduire des impôts à payer au Canada, les impôts et taxes défrayés à l’étranger tant pour les corporations que les individus. De plus, les entreprises canadiennes ne sont pas imposées au pays sur leurs revenus mondiaux mais seulement sur leurs profits réalisés au Canada. Et lorsqu’elles sont implantées à l’étranger, elles créent des filiales qui paient leurs impôts dans le pays d’accueil.
Je mets au défi le nouveau PDG de la Caisse de dépôt de me nommer juste une entreprise ou un fortuné individu soumis à la double imposition au Canada. En plus, la Caisse de dépôt et placement du Québec ne paie aucun impôt sur le revenu au Canada et dans la province grâce à son statut juridique de société d’État.
Pourquoi avoir nommé un ex-banquier comme président de la Caisse de dépôt? Avant lui, c’était Michel Sabia, l’ex-président de Bell Canada qui fait partie de l’oligopole Bell-Telus-Rogers-Vidéotron comme les cinq grosses banques canadiennes qui forment aussi un oligopole de fait au Canada. Dans ce contexte, facile de réaliser des milliards de dollars en profits chaque année qui sont allègrement pigés dans les poches des Canadiens avec des tarifs internet et sans fil et des frais et taux d’intérêt shylockiens. Il faut placer à la tête de la Caisse de dépôt un véritable commis d’État, pas un affairiste. Idem pour les postes des ministres des Finances, de l’Économie et du Conseil du trésor. Les banquiers sont, pour certains médias, des philanthropes.
On est trop émotifs face aux paradis fiscaux
Monsieur Émond a ajouté, comme si ce n’était pas assez, que «les paradis fiscaux sont un sujet chargé d’émotions». Voilà que ce ne sont que nos émotions qui nous font réagir négativement face aux paradis fiscaux. Même si ce sont des activités criminelles (oubliez le respect des lois accommodantes et complices édictées par nos élus), il ne faut surtout pas s’indigner car on va vous dire que vous être trop émotifs, que vous êtes un réactionnaire compulsif et un anti-capitaliste notoire.
De même, si vous posez un point de vue critique sur le réchauffement climatique, sur les inégalités économiques, sur les monopoles et oligopoles privés, sur le salaire astronomique des patrons et des médecins, on va vous conseiller de vous calmer le pompon car vous êtes trop émotifs et trop impulsifs. On va vous traiter de populiste et de socialiste.
Par contre, si vous critiquez les services publics, le salaire des commis d’État, les syndicats, les prestations aux chômeurs et aux assistés sociaux, les impôts et les taxes payés, alors là on va vous dire que vous êtes lucide, courageux et visionnaire, et les médias écrits et parlés vont courir après vous pour vous interviewer. Ils aiment les gens «pragmatiques» et «réalistes». Parlant d’émotivité, il y a aussi les nuls du Sénat qui vous ont aussi dit de respirer par le nez face au pétrole sale des sables bitumineux de l’Alberta : «Pipelines. Le Sénat juge que les citoyens sont trop émotifs» (Le Devoir, 8 décembre 2016).
La Caisse est donc justifiée d’aller dans les paradis fiscaux
Tiens, juste pour vous : «La Caisse de dépôt a plus que doublé ses investissements en 5 ans dans les paradis fiscaux» (Le Journal de Montréal, 7 mai 2019). Il faut que les arrivistes de la Caisse cessent d’agir de la sorte et de faire des Québécois des complices de l’évasion fiscale.
Des points de vue divergents
C’est drôle, contrairement à notre nouveau PDG de la Caisse, l’économiste américain de renommée internationale et Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, a dit : «Les paradis fiscaux, une «maladie» qu’il faut enrayer» (Radio-Canada, 15 novembre 2011). Peut-être que monsieur Stglitz est trop émotif?
«L’optimisation fiscale (paradis fiscaux) est une forme de corruption, dit la Banque Mondiale» (Le Devoir, 2 octobre 2015). Mais, comme le dit monsieur Émond, les paradis fiscaux sont là pour rester, la corruption itou. Ah là, notre nouveau big boss de la Caisse, Charles Émond, ne devait pas être un fan du «socialiste» Barack Obama : «États-Unis. Obama engage la lutte contre l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux» (Le Devoir, 5 mai 2009). Honteux et inacceptable que le nouveau PDG de la Caisse tiennent des propos aussi complaisants sur les paradis fiscaux. Un gouvernement responsable lui donnerait son 4% sur le champ.