
Éric Girard, un ex-conservateur et ancien dirigeant bancaire
Disons d’abord que monsieur Girard est un ex-vice-président à la Banque Nationale et un ex-conservateur du parti de Stephen Harper, battu aux récentes élections fédérales. Serait-ce déplacé d’affirmer que monsieur Girard, actuel ministre caquiste des Finances, est loin d’être un travailleur communautaire porté à gauche? Le parti conservateur du Canada n’est pas d’obédience socialiste et même progressiste. Et nos banques canadiennes, qui forment un puissant oligopole, ne sont pas des modèles en termes de responsabilité sociale et fiscale, elles qui sont adeptes des paradis fiscaux et qui engrangent des gros profits records à chaque année. On est d’accord là-dessus?
Québec solidaire, FMI, ONU et OCDE sur la même longueur d’ondes
Dernièrement, Québec Solidaire a suggéré au ministre caquiste des Finances d’augmenter ou de prélever un nouvel impôt, après pandémie sur les profits des grandes entreprises. Avons-nous le droit d’accuser gratuitement Québec solidaire d’être des socialistes rêveurs en suggérant d’accroître l’impôt sur le revenu des compagnies et des riches plutôt que de toujours taxer la classe moyenne? Si oui, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation des nations unies (ONU) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sont autant à gauche que Québec solidaire puisqu’ils préconisent les mêmes mesures fiscales afin d’en arriver à une fiscalité juste et équitable où tout le monde (individuel et corporatif) paie sa juste part d’impôts sur le revenu.
Peut-on parler honnêtement et élever le débat?
Tout politicien, encore plus un ministre, doit dire la vérité, être transparent et débattre intelligemment afin d’informer correctement les gens et les conscientiser. Hélas, souvent ce n’est pas le cas. On cache des informations et des études, on musèle les commis d’État, on présente en partie et de façon maquillée certaines données où on engage des experts qui pensent exactement comme le parti au pouvoir afin de faire valider leurs politiques. Oh, j’oubliais, on nomme des juges et des dirigeants de sociétés d’État qui sont alignés à leur idéologie.
Alors, afin de fermer le caquet des gauchistes de Québec solidaire et de se porter comme toujours à la défense des riches corporations et individus surtaxés, le ministre Éric Girard a largué cette énormité fiscale digne d’un ignare ou d’un mystificateur en matière fiscale. Le ministre a pondu cette perle : «Les grandes entreprises font déjà leur part au Québec a expliqué monsieur Girard. Elles représentent 1% des entreprises et 50% des impôts corporatifs» (Le Devoir, 15 mai 2020).
Naturellement, comme c’est trop souvent leur habitude, les journalistes ont gobé cette grossière «explication» et ont transmis la nouvelle comme le fait tout bon relationniste. Peut-être n’ont-ils pas un minimum de connaissances en fiscalité? Si oui, ils se transforment alors en agents de désinformation. Et on se targue d’avoir une presse «libre» en Occident.
Il me semble que ledit ministre des Finances aurait pu répliquer à la demande de Québec solidaire en utilisant une argumentation plus rigoureuse et plus honnête sur le plan intellectuel, comme tout politicien doit ou devrait le faire. Accoucher d’une telle réponse afin de nous convaincre du bien-fondé de sa décision de ne pas hausser l’impôt sur le revenu des grosses compagnies, c’est nous prendre pour des imbéciles et profiter du manque de savoir fiscal de la population.
L’impôt est fondé sur le revenu, pas sur le nombre
L’impôt sur le revenu porte bien son nom : il repose sur le revenu et pas sur le nombre. Dire que les grandes entreprises représentent 1% des compagnies au Québec et qu’elles paient 50% des impôts corporatifs est malhonnête comme démonstration. C’est de la foutaise. Ça revient à comparer des pommes avec des oranges.
Comme l’impôt est basé sur le revenu, est-ce que le ministre des Finances peut nous donner le chiffre du revenu ou bénéfice net de ce 1% de grandes entreprises par rapport au profit net global de toutes les entreprises au Québec? Et qu’il nous donne également le montant des impôts sur le revenu total qu’elles paient.
Aussi croche que les libéraux
Il faut arrêter de dire n’importe quoi aux gens et de porter atteinte à leur intelligence. Les libéraux de Charest et de Couillard, ainsi que leurs experts universitaires attitrés, répétaient les mêmes conneries afin de ne point taxer davantage les riches contribuables pour plutôt fiscaliser le monde ordinaire et charcuter nos services publics. Le fiscaliste universitaire du PLQ Luc Godbout, qui pense toujours comme le patronat, aimait répéter aux journalistes qui ont toujours bu ses savantes plaidoiries : «Budget. Pas assez de riches à taxer» (Les Affaires, 12 février 2011). Pourtant, ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que les riches sont effectivement peu nombreux, on appelle ça la concentration excessive de la richesse, mais qu’ils détiennent le gros de la richesse collective. Encore une fois, je le répète : l’impôt n’est pas calculé sur le nombre, mais sur le revenu ou la richesse. Il me semble que ce n’est pas si compliqué à comprendre.
Démonstration biaisée de l’expert-spécialiste
Encore en 2019, «l’expert» fiscaliste a répété les mêmes âneries reprises intégralement par Éric Desrosiers, journaliste économique au Devoir : «Au Québec, les 20% les plus riches comptaient déjà pour 70% des revenus totaux (revenus fiscaux seulement et non les véritables revenus économiques) de l’impôt des particuliers (qui exclut ceux qui s’incorporent) en 2015. À lui seul, le petit groupe du 1% (petit en nombre mais immense en richesse) le plus riche contribuait pour 18%» («Devrait-on augmenter l’imposition des plus fortunés?», Le Devoir, 15 mars 2019). C’est tellement consternant de voir les journalistes si peu critiques.
Il ne faut pas taxer les gros puissants qui ruissellent de richesse
Donc, le titre de l’article du Devoir était ceci : «Devrait-on augmenter l’impôt sur le revenu des plus fortunés?». Mais non que nous dit l’organisme de recherche patronal C.D. Howe Institute, tel que rapporté par le journaliste Gérard Bérubé dans sa chronique publiée dans le Devoir du 29 septembre 2018 et intitulée : «Hausser l’impôt des mieux-nantis ne rapporte pas». Ce qui rapporte vraiment c’est donc de taxer davantage les pas-nantis que nous serine la légende patronale. Il ne faut surtout pas taxer les dodus économiques sinon ils vont fuir ailleurs que nous a dit le député caquiste Youri Chassin, un ex de l’Institut économique de Montréal, un lobbyiste à drette.
Les grandes entreprises reçoivent plus que ce qu’elles paient
C’est bien beau que monsieur Girard nous fasse accroire que les grandes entreprises sont déjà surtaxées mais qu’il nous dise donc ce qu’elles reçoivent de l’État et de la population en aide gouvernementale directe et indirecte du gouvernement, d’Investissement Québec, d’Hydro-Québec et des fameux partenariats public-privé (PPP). Et qu’il nous dise donc ce qu’elles «shippent» annuellement dans leurs paradis fiscaux. Qu’il soit généreux et transparent. Moi je dis qu’elles reçoivent plus de l’État et de ses sociétés gouvernementales que ce qu’elles paient en impôts sur le revenu chaque année. Je le mets au défi de me dire le contraire et surtout de me le démontrer. Le Québec est depuis longtemps au pays, sans pourtant être plus riche que les autres provinces, le champion des subventions accordées aux entreprises, aux garderies et aux écoles privées; aux compagnies du commerce électronique, du jeu vidéo et de l’intelligence artificielle; des tarifs d’électricité bonbons facturés au privé, etc.
Promesses en l’air de la CAQ
Finissons sur une drôlerie. Pour certains partis politiques, le poisson d’avril c’est tous les jours que ça se passe. En 2012, s’il était porté au pouvoir, François Legault avait promis ces deux choses : «La CAQ veut éliminer les crédits d’impôt (des subventions en argent comptant) accordés aux entreprises» et aussi «Les riches paieront plus d’impôt sous un gouvernement caquiste» (Le Devoir, 11 août et La Presse, 17 août 2012). Portée au pouvoir en 2018, la CAQ a baissé l’impôt des riches (taxes scolaires) et a fait exploser les subventions aux entreprises. Legault n’avait-il pas aussi promis de baisser les scrupuleuses rémunérations des médecins? Mais comme l’a si bien dit le ministre caquiste de l’Économie, François Fitzgibbon, celui qui a beaucoup d’amis importants dans le privé : «L’État doit tout faire pour encourager les entreprises» (Le Journal de Montréal, 30 septembre 2019). Encourager les entreprises rentables avec et grâce à l’argent du peuple…