
L’effronterie et le mépris des multinationales américaines
Je n’en reviens tout simplement pas. Il n’y a rien à l’épreuve de ces entreprises plus grosses que les États et présentes partout sur la planète. Ce sont effectivement elles qui dictent les politiques économiques, sociales et fiscales à leurs élus subordonnés. Après ça, on vient nous parler de démocratie et de liberté en Occident.
Moi qui suis un catholique pratiquant, j’ai demandé pardon au petit Jésus car, en colère, j’ai lâché un juron, disons quelques sacres, à la lecture du titre de cet article publié dans Le Devoir du 4 août 2020 : «États-Unis. Les grands patrons appellent Washington (le gouvernement fédéral) à venir au secours des petites entreprises. Des multinationales et des fédérations professionnelles (avocats, comptables, conseillers financiers, etc.) se sont adressés lundi aux représentants (du Congrès)». En passant, comme le disait si bien Michel Chartrand, je ne sacre pas : je tiens des propos religieux.
Si ces filouteurs à cravate payaient leur juste part d’impôts; cessaient d’utiliser abondamment les paradis fiscaux; arrêtaient d’exploiter leurs employés, leurs fournisseurs, souvent des PME justement, leurs consommateurs, en chargeant le gros prix à leurs clients captifs et en payant le petit prix à leurs travailleurs et fournisseurs; en polluant gaiement, etc., alors elles auraient peut-être un peu raison de faire appel à l’État et de nous faire la morale. Mais non, même si elles nous arnaquent régulièrement et nous imposent leur agenda, les boss ne peuvent s’empêcher de toujours exiger plus des autres pendant qu’elles se défilent ou se montrent dans nos chers médias en jouant aux mécènes pour appuyer des causes douteuses à des montants ridicules.
Je le répète : si elles se comportaient en citoyens responsables, leurs employés et fournisseurs se porteraient mieux et l’État n’aurait pas à intervenir pour les soutenir. Quand de grandes entreprises paient leurs employés au salaire minimum avec peu d’avantages sociaux (commerce de détail, restauration rapide et cie), et ben c’est le gouvernement qui doit alors compenser en aidant financièrement des services publics gratuits, comme l’éducation et la santé. Dans les faits, et dans ces cas, c’est l’État qui vient à subventionner avec notre argent des transnationales comme McDonald’s, Walmart, Holiday Inn, Exxon Mobil, Pfizer, etc.
L’appel de Walmart, Microsoft, Merck (pharmaceutique) et Starbucks
J’ai pompé encore plus en voyant le nom des entreprises milliardaires qui demandent à l’État d’aider financièrement les PME, tel que signalé dans l’article du Devoir. Vous allez voir vous-mêmes vous n’en reviendrez pas et vous allez vous indigner devant tant de sans-gêne : Walmart, Merck, Starbucks et Microsoft, des champions de l’évasion fiscale et de l’exploitation de leurs employés, de leurs fournisseurs et même de leurs petits compétiteurs.
Prenons le cas de Walmart
Pas plus tard que la dernière semaine de juillet 2020, Walmart venait d’annoncer qu’elle imposait d’importantes baisses de prix à leurs fournisseurs : «Dominique Anglade demande (pour la forme) à Walmart de reculer (la dame rêve en couleurs) sur les frais inacceptables» (Le Journal de Montréal, 28 juillet 2020). Les mots et le juste vocabulaire me manquent pour qualifier un tel comportement. Pendant que Walmart demande au gouvernement d’aider les PME à traverser la crise du coronavirus, elle, au même moment, demande des baisses de prix sur les produits et services de ses fournisseurs, souvent des petites et moyennes entreprises, les acculant ainsi à la faillite.
Achat local de produits fabriqués ailleurs
Ah oui, la transnationale américaine se vante d’acheter québécois, mais dans les faits, elle s’approvisionne chez des entreprises québécoises qui vendent des produits fabriqués en Inde, au Pakistan et ailleurs : «Walmart. Achats au Québec… de produits fabriqués en Chine» (La Presse, 30 août 2007). Hypocrites en plus de ça. Tellement une belle grosse compagnie, que le plus important fonds étatique du monde de la Norvège, avec des actifs de plus de 1000 milliards de dollars, n’investit plus dans Walmart et l’a mis sur sa liste noire : «Ménage éthique dans le fonds de pension de la Norvège» (Radio-Canada, 11 janvier 2013). Notre Caisse de dépôt devrait prendre exemple du fonds souverain norvégien.
Walmart ne veut pas de syndicats
C’est cette même compagnie qui, en 2005, a fermé son magasin de Jonquière parce que les employés ont osé se syndiquer» (Le Devoir, 10 février 2005). Comme modèle de responsabilité sociale, on ne peut trouver mieux : «Walmart a fait disparaître tous les syndicats dans ses magasins canadiens» (Le Devoir, 23 août 2013). Bravo, les Chambres de commerce vous applaudissent. Réaction courageuse d’un élu suite à la fermeture du magasin : «Plus question de mettre les pieds chez Walmart, dit Bernard Landry» (Le Journal de Montréal, 11 février 2005). Au lieu de faire une crisette digne d’un pseudo-progressiste, il aurait fallu que Monsieur Landry modifie les lois du travail comme la Chine l’a fait : «Pékin aurait ordonné l’implantation syndicale» (Le Journal de Montréal, 17 août 2006). Ça c’est faire preuve de courage véritable et démontre que l’État est souverain et pas soumis aux diktats et au chantage du privé. Mais il ne faut pas parler en bien de la Chine. S’en prendre à Walmart pour imposer le syndicat, c’est tout simplement communiste.
Moi j’aime Walmart. Et vous?
Walmart qui demande aux clients d’aider leurs employés en leur faisant un don déductible d’impôts : «Un don pour nourrir des employés (qu’ils appellent pompeusement des associés) de Walmart» (Le Journal de Montréal, 11 novembre 2014). Ah que j’aime celle-ci : «Walmart supprime l’assurance-santé pour ses employés à temps partiel» (Le Devoir, 30 décembre 2014).
J’en ai plein d’autres éloquentes et savoureuses dans mes dossiers d’articles de journaux, mais je terminerai par cette touchante politique : «Walmart congédie ses employés présentant une déficience intellectuelle» (Radio-Canada, 3 avril 2018). Oups, pardon, j’oubliais celle-ci : «Walmart met en garde ses cadres contre l’éventuelle élection d’Obama» (La Presse, 2 août 2008). Des conséquences éventuelles comme l’obligation d’augmenter les salaires, de payer plus d’impôts, de permettre aux employés de se syndiquer, d’instaurer un système de santé public, etc. Des mesures socialistes émanant de radicaux de gauche. Au lieu de se faire discrets, les dirigeants de Walmart, avec leurs gros sabots, en redemandant toujours afin d’enrichir leurs actionnaires et leurs dirigeants.
Et la pharmaceutique Merck
La transnationale américaine Merck est l’une des plus importantes compagnies pharmaceutiques au monde. Et vous le savez, elles sont de fringantes adeptes des paradis fiscaux : «Drugmakers are stashing more profit overseas» (Business Week, 18 mars 2013). Elles établissent aussi plusieurs filiales dans des pays où les salaires sont minimes et elles provoquent intentionnellement des pénuries de médicaments pour des maladies graves comme le cancer afin d’exercer un peu de chantage et de faire monter les prix : «Risque de pénurie : Ottawa surveille (l’État ne fait que surveiller mais n’interviendra pas) les médicaments contre le cancer» (Le Journal de Montréal, 6 août 2019). Il faut laisser le marché libre d’agir et l’État ne doit pas intervenir, ce qui relève du socialisme.
Et enfin : «Le coût de nouveaux médicaments explose (même s’ils sont pareils aux anciens» et aussi : «Les Canadiens paient trop cher leur médicaments (gracieuseté de compagnies responsables comme Merck» (Le Devoir, 26 avril 2019 et TVA Nouvelles, 12 juin 2017). Ça esquive l’impôt et ça arnaque les malades captifs et désespérés et ça vient demander à la collectivité, par le biais de l’État, d’aider les PME et elles aussi par ricochet. Comme les médicaments représentent une portion importante des coûts de la santé publique, elles pourraient baisser leur prix afin d’aider l’État à aider les autres et à financer ses services publics.
Quant à Starbucks, la multinationale américaine
Si Starbucks veut aider les PME, dont font partie leurs franchisés, alors elle n’a qu’à réduire les prix qu’elle leur charge, ce qui les aiderait à mieux payer leurs employés et à éviter la faillite. Mais non, ce profiteur riche à craquer demande plutôt à l’État d’aider les PME pendant qu’elle s’adonne sans remord et sans scrupule à l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux : «Les Google et Starbucks menacent la stabilité fiscale du monde. Les multinationales doivent payer leur juste part d’impôt, dit l’OCDE» (Le Devoir, 13 février 2019). Mais non, elles préfèrent que d’autres paient à leur place.