
Pour faire passer le message : acheter des articles de journaux
Ben oui, comme le disait l’ex-président de la Banque Nationale, monsieur André Bérard, en plus d’embaucher des milliers de lobbyistes – souvent d’ex-politiciens -, de financer des universitaires, des Chaires de recherche comme le Conference Board, le C.D. Howe Institute et le Fraser Institute, de financer judicieusement les bons partis politiques, pourquoi ne pas s’acheter des articles de journaux et même des journaux, comme le Washington Post et Libération en France : «Bérard invite les gens d’affaires à acheter des articles dans les journaux» (Le Soleil, 13 novembre 1997). Les affairistes et les journaux privés ont effectivement répondu à l’appel. Agir de la sorte, c’est bon pour la liberté d’expression et ça rehausse le niveau de démocratie dans laquelle le peuple détient le pouvoir absolu.
Un autre exemple de publi-reportage
Le 29 septembre 2020, que vois-je comme titre en page couverture du Journal de Montréal?: «L’industrie du jeu vidéo recrute partout au Québec. 2000 jobs à 76 000$ disponibles». Et puis à la page 29 se trouvait un article qui faisait une grosse page complète dans lequel on donnait strictement la parole aux gens du secteur et à la présidente de l’industrie du jeu vidéo au Québec, madame Nadine Gelly, avec en prime sa photo. En termes de création d’emplois bien rémunérés, comme les aime François Legault, c’est tout simplement fantastique : «Le nombre d’employés du secteur du jeu vidéo au Québec a décuplé depuis 2002 et continue de grimper». Voilà comment on crée de la richesse dans cette industrie qui a attiré dans la province des transnationales comme Warner Bros, Ubisoft, Google, Amazon et d’autres.
Qu’est-ce qui attire au Québec ces créateurs d’emplois?
Est-ce l’expertise des talents québécois qui amènent chez nous ces belles grosses compagnies? Non, c’est le fait que le gouvernement du Québec, à même notre argent, paie 37,5% des salaires de leurs employés, même celui de leurs nombreux travailleurs étrangers qu’elles font venir au Québec.
Dans ledit article du Journal de Montréal, quoi s’assimile à de la publicité, jamais on ne mentionne que le gouvernement du Québec paie, avec des fonds publics, jusqu’à 37,5%, du salaire de tous les employés de l’industrie du jeu vidéo, comme ceux d’ailleurs du commerce électronique et de l’intelligence artificielle. Agir de la sorte et ne pas mentionner cette grosse subvention gouvernementale est malhonnête sur le plan intellectuel et journalistique. C’est comme ça que nos médias d’information et leurs journalistes se font les haut-parleurs du privé et deviennent des sources d’aliénation et de désinformation. En passant, tant qu’à y être, puis-je demander aux journalistes «professionnels» d’utiliser le terme «subvention directe en argent» plutôt que le nom trompeur de «crédit d’impôt», qui donne l’impression qu’il ne s’agit que de réductions d’impôts sur le revenu? Même si l’entreprise ne paie pas d’impôt, elle encaisse en argent sonnant et trébuchant son crédit d’impôt. Tous les moyens sont bons pour tromper le monde, car ces pseudo-crédits d’impôt n’ont absolument aucun lien avec les impôts sur le revenu et ne sont pas des «crédits».
Des employés bien payés sur notre bras
L’article, que j’aurais davantage vu dans un public-sac, parle de jobs bien rémunérés à 76 000$ l’an, en moyenne. Oh, que l’industrie est généreuse que vous vous dites. Le hic dans tout ça, c’est que 37,5% du salaire est défrayé par l’État. Encore un autre exemple où le privé n’a de privé que le nom, vivant largement au crochet du gouvernement comme Bombardier, les garderies et les écoles supposément privées, les forestières, les mines, etc. Allô économie de marché! Pourtant, ces affairistes sont souvent ceux qui plaident pour moins d’État et moins de services publics. Une vraie farce dont la cible de leurs risées est la population. Le Journal de Montréal aime bien l’industrie du jeu vidéo puisqu’il lui a consacré un autre joli texte le 23 décembre 2019 intitulé : «Le Québec, terre promise (ça vient de Dieu?) des producteurs de jeux vidéo». Un titre d’article tellement risible. Ces médias et ces journalistes se rendent-ils compte de leurs comportements? Et j’oubliais, en plus du 37,5% des salaires défrayés par Québec, ces «créateurs d’emplois» ont droit à toute la panoplie des autres subventions attribuées tant par le fédéral, le municipal que le provincial, au chapitre de l’investissement, de la formation, de la recherche, etc. Par ici la bonne soupe.
Aucune étude sérieuse démontrant le bien-fondé
Jamais au grand jamais les gouvernements ont cru bon produire l’ombre du début d’une étude sérieuse sur la rentabilité véritable pour le Québec de ces subventions salariales à hauteur de 37,5% qui coûtent des milliards de dollars chaque année en fonds publics. Comme cette forme de subvention au jeu vidéo remonte à 2007, il me semble que si c’est tant payant que ça pour le Trésor québécois et compte tenu qu’on a tous les chiffres en main, on pourrait produire chaque année des états financiers démontrant nettement le bien-fondé de ces grosses dépenses gouvernementales. Mais non, on a droit à rien, sauf de se faire répéter pour la énième fois par nos élus, reprenant le discours des lobbyistes, que c’est bon. La majorité des décisions des politiciens sont fondées uniquement sur l’idéologie capitaliste pure et simple, comme ce fut le cas lorsqu’ils ont privatisé Air Canada, le CN et Pétro-Canada sans aucune étude et sans aucun débat public.
En 2017, il y en a eu une étude effectuée sur l’industrie du jeu vidéo par le groupe de recherche universitaire CIRANO, qui est pourtant loin de loger à gauche, qui était arrivée aux conclusions suivantes : «Le crédit d’impôt versé (on mentionne bien un crédit d’impôt… versé) aux entreprises de jeu vidéo n’est pas rentable, tranche le CIRANO» (Le Devoir, 8 septembre 2017). Même que plusieurs gens d’affaires s’élèvent aussi contre cette forme de bien-être social corporatif : «Le p.d.g. de Stingray (Eric Boyko) assure qu’un groupe contre les crédits d’impôt dans le multimédia se forme. Plus d’une vingtaine d’entrepreneurs en ont contre l’aide gouvernementale» (Le Devoir, 3 août 2017).
La milice des cinq ex-ministres contre-attaquent
«Jeu vidéo. Cinq ex-ministres des Finances défendent (avec leur verbiage coutumier et sans aucun chiffre à l’appui) le crédit d’impôt» (Le Devoir, 13 septembre 2017). Ils ont même poussé le bouchon jusqu’à qualifier le jeu vidéo de secteur à haute valeur ajoutée. Parmi ces cinq ex-ministres des Finances, il y avait bien entendu le parrain de cette autre forme d’aide gouvernementale, Bernard Landry; un ancien président de Chambre de commerce, le libéral Michel Audet; deux libéraux qui sont devenus des gros lobbyistes, Raymond Bachand et Monique Jérôme-Forget et la châtelaine Pauline Marois, celle qui croyait dur comme fer que la richesse des riches finirait par elle-même, surtout sans l’intervention de l’État, à dégouliner et à suinter sur le dos de la population. Voici une comique : «Bernard Landry applaudit le succès du programme de crédits d’impôt pour les jeux vidéos» (Le Devoir, 17 novembre 2009). Le succès pour qui? Ça, Bernard ne l’a pas dit. C’est drôle mais Raymond Bachand et Monique Jérôme-Forget étaient pourtant de féroces adeptes convaincus du moins d’État. Moins d’État pour certains et plus d’État pour d’autres, hein?
Encore et toujours des promesses creuses et vides
Tant les péquistes que les libéraux et les caquistes ont promis de réduire les subventions orgiaques consenties aux milliardaires du jeu vidéo, comme ils s’étaient tous engagés à baisser le salaire des médecins. Mais hélas, il n’en est rien. Ils l’ont plutôt augmenté.
- «La CAQ veut éliminer (elle est bien bonne celle-là, non?) des crédits d’impôts accordés aux entreprises» (Le Devoir, 11 août 2012);
- «Le banquier libéral Daoust va fermer le robinet. Le ministre de l’Économie veut couper dans les subventions aux entreprises» (Le Journal de Montréal, 20 septembre 2014). Appelez le plombier, ça coule encore;
- «Québec (PQ) songe (ce n’était qu’un songe) à éliminer d’ici 2005 les crédits d’impôts aux entreprises» (Le Devoir, 16 décembre 2002).