Bombardier : les doutes d’Ottawa et les endoctrinés

L’idéologie et les diktats patronaux priment

Il faut laisser faire les études indépendantes, l’opinion de la population, les rapports de l’OCDE et de l’ONU et les points de vue du directeur parlementaire du budget et du vérificateur général, quand il faut il faut que disait le poète. Bombardier n’avait aucune expérience dans l’aéronautique, pas grave. Bombardier n’avait pas les ressources financières voulues, c’est très secondaire. L’État, avec l’argent du peuple, est là pour financer les créateurs de richesse et moins pour investir dans nos services publics. Pour faire court, les arguments sont futiles et inutiles, l’important étant de répondre à l’agenda patronal qui exige de privatiser Air Canada, Pétro-Canada, Téléglobe, le CN, Télésat, les Arsenaux canadiens, etc., et bien évidemment Canadair. Qu’on me laisse tranquille avec les débats publics. Le point de vue des experts abonnés et payés par le patronat suffit, car ce sont des spécialistes objectifs et indépendants malgré leur lien avec le privé. Ils sont capables de faire la part des choses…

Le comité ministériel a des doutes

Alors, en 1986, les élus conservateurs du comité ministériel (Barbara MacDougall, Michel Côté, Robert de Cotret, Michael Wilson, John Crosbie et Pierre Cadieux) sur la privatisation (il n’y a jamais de comité ministériel sur la nationalisation. Il faut être arriéré pour penser à un tel comité. Privatisation, sous-traitance, PPP, etc., sont les seules voies possibles pour l’oligarchie, même si le peuple s’y oppose), trouvaient, avec raison, que Bombardier n’avait ni les compétences, ni la capacité financière d’acquérir la société à propriété collective Canadair, un joyau public de réputation internationale avec son avion d’affaires Challenger (renommé Global), qui est le seul actif restant du moribond corporatif Bombardier et le CL-215, un appareil spécialisé dans la lutte aux incendies et vendu partout dans le monde : «Ottawa doute de la rentabilité d’un mariage Bombardier-Canadair» (La Presse, 13 août 1986).

Les arguments idéologiques des lobbyistes l’emportent

Comme les politiciens doivent s’en tenir à leur rôle de préposés aux commandes et de représentants de commerce, et bien, dans un grand élan de pragmatisme, de lucidité et de gros bon sens : «Canadair : Ottawa a choisi Bombardier» (Le Devoir, 15 août 1986). Tant qu’à privatiser Canadair et De Havilland, le gouvernement fédéral conservateur de Brian Mulroney, un grand ami de Donald Trump (qu’il a qualifié de «gentleman») et aussi président du conseil d’administration de Québecor, aurait été bien mieux de le vendre à ce moment-là tout de suite à Airbus ou à Boeing. Cela aurait fait épargner plusieurs milliards de dollars aux contribuables canadiens et québécois. Ah oui, il est vrai que Bombardier et ses actionnaires majoritaires, la fameuse famille Beaudoin-Bombardier, n’avaient pas l’argent nécessaire pour acheter Canadair, comme l’avait dit les ministres conservateurs membres du comité ministériel à la «privatisation». Pas bien grave puisque les contribuables sont là et seront là pendant plus de trente ans pour financer, avec leur argent, ce fiasco intégral et ce flop monumental, comme le laisse entrevoir cet article de journal retrouvé dans mes précieuses archives personnelles : «Canadair (acheté par Bombardier) : Ottawa y mettra le prix (et le Québec itou)» (La Presse, 20 août 1986). Bravo!

Philippe Couillard et Mario Dumont nous exhortent d’aimer Bombardier

Il faut se contenter de payer, sans élever la voix. C’est Philippe Couillard et l’animateur étoile du Journal de Montréal, LCN et de TVA, Mario Dumont, qui l’ont dit : «Couillard se porte à la défense de l’avionneur. Le premier ministre dit qu’il faut «aimer» et «soutenir» Bombardier (en coupant dans nos services publics superflus)» et «Mario Dumont : aimer Bombardier? Couillard a raison» (Le Journal de Montréal, 11 et 13 mai 2017).

Journalistes et chroniqueurs aliénés

Dire que les journalistes et les chroniqueurs sont mandatés afin de développer un esprit critique chez leurs lecteurs et auditeurs. Ils sont censés être libres. Tout cela relève de la pensée magique et de la fabulation.

Prenez Alain Dubuc, qui a longtemps été (avec André Pratte et Claude Picher) éditorialiste et rédacteur en chef à La Presse et au Soleil, propriété alors de Power Corp. et de la puissante et très présente famille Desmarais, qui a pondu cette perle d’assujettissement et de pathétisme le 16 août 1986 dans La Presse : «Bombardier : les jugements de Salomon». Fidèle à son habitude, Alain Dubuc en a alors profité pour cracher son fiel contre tout ce qui est public et suinter son admiration intéressée pour tout ce qui est privé, même si c’est massivement financé par des fonds publics et qui n’a, de ce fait, de privé que le nom.

J’ai retenu quelques paragraphes seulement de son évangile tiré de son éditorial. Dire que monsieur Dubuc est rendu professeur d’économie à temps plein aux Hautes études commerciales de Montréal, une institution d’enseignement dite supérieure et collée et inféodée au patronat. Je plains et je sympathise avec ses étudiants.

Aux deux premiers paragraphes, Alain Dubuc annonce ses couleurs idéologiques : «Le gouvernement s’est-il finalement rendu à l’évidence en décidant de vendre Canadair à Bombardier. On ne peut qu’applaudir Ottawa d’avoir enfin cédé ses avoirs dans l’aéronautique, un secteur où il a été amplement démontré que l’État ne réussit qu’à se mettre les pieds dans les plats». C’est effrayant de larguer de telles énormités.

Faire la belle jambe à Bombardier, le sauveur

Puis Alain Dubuc y va d’élans amoureux envers Bombardier : «Le choix de Bombardier est heureux. Il faut un jour sortir du folklore. Bombardier n’est plus une PME régionale pittoresque. C’est maintenant une multinationale à l’aise dans les nouvelles technologies. Elle n’œuvre pas dans l’aéronautique mais elle est un géant dans le matériel de transport et dans la motoneige». Capoté ben raide. Et dire qu’il y en a plein d’autres comme lui qui sévissent encore à tous les jours dans les journaux, à la radio et à la télé.

L’ex-boss de la SAQ complimente

Gaétan Frigon (un autre affairiste, soit ce genre d’individu malheureusement trop souvent nommé à nos sociétés à propriété collective) fut président de Loto-Québec et de la SAQ et aussi chroniqueur expert à La Presse. Lui aussi, épris d’un amour aveugle envers Bombardier et ses propriétaires, a pondu cette clairvoyante chronique le 12 septembre 2005 : «C’est l’esprit d’entreprise (et son esprit de B.S. corporatif) qui a créé Bombardier et c’est encore lui (encore plus grâce à la main visible de l’État) qui va la sauver». On appelle ça des experts : je dirais plus des voyants et des charlatans.

Il ne faut surtout pas oublier un ex du Journal et de La Presse

Jean-Philippe Décarie, longtemps chroniqueur à plein temps au Journal de Montréal et à La Presse, a trop longtemps affiché sa servitude intéressée et volontaire envers les gens de la haute société, qui comptent bien évidemment les membres de la famille Beaudoin-Bombardier. Trop c’est comme pas assez. C’est très drôle même si c’est pathétique.

Lors de la nomination de Pierre Beaudoin, le fils chéri de Laurent, à titre de président de la division Avions d’affaires de Bombardier le 7 juillet 2001, Jean-Philippe Décarie pond alors ce bijou d’affection dans le Journal de Montréal : «Des gènes qui ne mentent pas. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Pierre Beaudoin dispose d’un bagage génétique particulier».

Et tant qu’à l’aide financière gouvernementale de milliards de dollars consentie à Bombardier, dans La Presse du 5 novembre 2015, Jean-Philippe accouche de cette merveilleuse chronique : «Bombardier. Une intervention (financière, une autre) mûrement réfléchie (par Anglade, Coiteux, Leitao et Couillard) de Québec (c’est-à-dire du PLQ)». Bon bien moi j’arrête. Je ne suis plus capable. C’est trop pour moi. Fini de fouiller dans mes dossiers de vieux articles de journaux. Y’a-t-il quelqu’un qui les veut?

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