
Les sondages «scientifiques» de l’IEDM et des Chambres de commerce
Un sondage commandé par qui que ce soit, ça vaut ce que ça vaut, dans le sens qu’il est toujours biaisé et arrive toujours aux conclusions voulues et désirées par le client. Avez-vous déjà vu passer un sondage Crop, Léger Marketing ou SOM qui est arrivé à des résultats contraires aux souhaits du commanditaire?
Qu’à cela ne tienne, la population du Québec (plus de 70%) est supposément massivement favorable au pétrole propre, vert et durable issu des sables bitumineux de l’Alberta et à son acheminement dans la belle province par pipelines, même s’il doit passer par des milieux humides, des lacs et des rivières, des forêts, des terres agricoles, etc. En passant, à part les pays pauvres contrôlés économiquement par des transnationales occidentales et gouvernées par des politiciens corrompus (comme ici d’ailleurs), le Canada fait bande à part car ses ressources naturelles appartiennent majoritairement à des firmes étrangères. De ce fait, il faut plutôt parler du pétrole albertain appartenant à d’autres que nous, comme c’est le cas dans plusieurs autres secteurs d’activités. On appelle ça la démocratie capitaliste. Démocratie dans le sens que le pouvoir n’appartient pas à la population mais aux capitalistes, souvent de l’extérieur et souvent américains. N’empêche, on vit, il parait, en liberté dans un pays libre.
Si ça émane de l’IEDM, vous pouvez y faire confiance : c’est blindé
Revenons à nos moutons et à nos brebis. Oui, les Québécois sont favorables au gaz et au pétrole des sables bitumineux de l’Alberta et des merveilleux pipelines et oléoducs afin de transporter ces produits écologiques. C’est en tout cas ce que révèlent les sondages scientifiques et objectifs commandés et payés par l’Institut économique de Montréal (IEDM), un organisme sérieux financé par le patronat, qui veut le bien de tous justement grâce à moins de biens et de services publics qu’il faut privatiser. Non, ce ne sont pas des sondages «bidonnés» et biaisés : ils sont à la fois objectifs et scientifiques. Ils portent le sceau de l’IEDM.
En 2011, l’IEDM a commandé un sondage à Léger Marketing et hop, à 71%, «Les Québécois favorables aux sables bitumineux» (La Presse, 31 mars 2011). Ça vous surprend? Puis, en 2020, l’IEDM invite les Québécois à appuyer le projet pétrolier Teck Resources dans les sables bitumineux de l’Alberta, un investissement supposément écologique : «Les Québécois devraient appuyer le projet des sables bitumineux Frontier (au nom du bien commun)» (Le Devoir, 13 février 2020). Quoiqu’en disent les scientifiques radicaux et probablement de gauche, il ne faut pas exagérer le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Il ne faut pas faire pleurer les gens avec les ours polaires. On a qu’à en conserver quelques-uns et les loger dans des zoos. Il ne faut pas arrêter le progrès pour si peu, non?
Youri Chassin, le député caquiste de l’IEDM
Même qu’en 2014, l’actuel député caquiste au Québec, Youri Chassin, alors à l’emploi comme chercheur à l’IEDM (de même que Maxime Bernier, un autre climatosceptique scientifique. Admettez qu’un emploi à l’IEDM est un bon tremplin pour une carrière politique), est venu, grâce à une étude «étoffée», anéantir et «écrabouiller» les mythes malveillants propagés par des esprits tordus voulant que nos gouvernements subventionnent à coup de milliards de dollars l’industrie gazière et pétrolière, tel que démontré effectivement par les comptes publics : «Industrie pétrolière. Moins subventionnée qu’on le croit» (La Presse, 13 mai 2014). L’IEDM aime le pétrole et surtout les pétrolières puisqu’en 2009, il avait publié une autre recherche sérieuse qui nous fait aimer le pétrole pas sale du tout des sables bitumineux : «Selon une étude publiée par l’IEDM. Le pétrole a encore plusieurs vies devant lui (mais pas la planète)» (La Presse, 2 septembre 2009). Remarquez que l’IEDM et le pétrole ont toujours reçu des échos très favorables à La Presse et dans les quotidiens de Power Corp. de la famille Desmarais, qui a d’énormes investissements dans les pétrolières, comme Total, et en Alberta. Les médias dit «indépendants», tout en étant détenus par des firmes privées et des milliardaires, est un mythe. Ça ne prend pas une lumière pour s’en rendre compte. On est sur la même longueur d’ondes là-dessus?
Même nos aimables Chambres de commerce le disent
Vous voulez une autre preuve probante que le pétrole de l’Alberta est bon pour l’économie et fabuleux pour l’environnement? Et bien, la voilà qui est arrivée jusqu’à nous grâce à un autre formidable sondage commandé en 2012 par les Chambres de commerce du Québec auprès de la firme CROP. Oh, ce n’est pas une surprise du tout puisqu’à 70%, «Les Québécois en faveur du pétrole albertain (et des pipelines)» (La Presse, 15 décembre 2012). Est-ce que vous commencez à y croire aux bienfaits du pétrole issu des sables bitumineux et aux indispensables pipelines qui vont l’acheminer au Québec? Si l’IEDM et le patronat disent que c’est bon pour tous, c’est que ça doit être vrai, non?
Autre preuve que les sondages c’est objectif : salaire des docs
À celles et ceux qui malheureusement remettent encore en doute l’objectivité et l’indépendance des sondages commandés par notre élite et nos notables et publiés par nos médias privés neutres, j’aimerais dissiper vos doutes avec ce sondage plus vrai que vrai, commandé par le syndicat des médecins du Québec. À près de 80% : «Les Québécois jugent «correct» le revenu (en partie peu imposé grâce à l’incorporation) des médecins. Un sondage (SOM) montre que la population n’est pas contre leur hausse de revenu» (Le Journal de Montréal, 21 janvier 2017). Je dirais même que les Québécois trouvent que nos toubibs ne sont pas assez payés et qu’ils sont trop taxés et trop imposés. Pour qu’ils gagnent plus et pour qu’on ait droit à un meilleur système de santé abordable à tous, les Québécois sont pour la privatisation, comme le démontre éloquemment un autre sondage parrainé par… devinez qui? Oui, bravo, vous l’avez trouvé : par nul autre que l’IEDM. Sondage Léger Marketing : «Santé. 70% des Québécois prêts à un rôle (beaucoup) plus important du privé (mais subventionné comme les garderies et les écoles) dans le système universel (qui est de moins en moins universel et de plus en plus absent)» (Le Journal de Montréal, 5 septembre 2018). Comment ne pas aimer l’IEDM? Je vous le demande. Moi en tout cas, si je pouvais revenir 50 ans en arrière, j’aurais postulé pour une job à l’IEDM plutôt que de devenir professeur à l’UQAM. À l’IEDM, mon utilité sociale aurait été plus grandiose. Du moins, je le crois.
L’industrie pétrolière abat les lubies et les canulars
Les pipelines et les oléoducs ont, à tort, mauvaise presse en raison des fumisteries véhiculées par des extrémistes et des radicaux qui mettent en danger les principes mêmes de notre démocratie, de la liberté, de la création de richesse, etc. Il ne faut pas les écouter. C’est ce qu’a dit, encore une fois dans La Presse, toujours sous le joug de la famille Desmarais de Power Corp., madame Brenda Kenny, la boss de l’industrie canadienne des pipelines et des oléoducs : «Une tendance dangereuse. Dans le débat sur les oléoducs (et sur les pipelines), la science et le bon sens cèdent malheureusement la place aux émotions» (La Presse, 19 novembre 2012). Ayoye! Émotif face aux pipelines, c’est exactement ce qu’ont dit nos coûteux et inutiles sénateurs canadiens non élus : «Pipelines. Le Sénat juge que les citoyens sont trop émotifs» (Le Devoir, 8 décembre 2016).
L’appui de chroniqueurs émérites au pétrole albertain
Ceux qui militent comme brigadiers pétroliers sont souvent des chroniqueurs de la très grosse droite s’auto-qualifiant de lucides, de pragmatiques et de réalistes. Ils veulent simplement vous convaincre des bienfaits du doux pétrole bitumineux, comme l’ami de tous, l’omniprésent (en tout cas chez Québecor) Mario Dumont, «L’ami d’Alberta»; l’experte chroniqueuse Emmanuelle Latraverse, «Et si l’Alberta avait raison?», et le spécialiste Jonathan Trudeau, tous les trois en service au Journal de Montréal : «pipelines? Ben oui, des pipelines» (Le Journal de Montréal, 27 novembre 2019). La Presse l’avait dit le 12 décembre 2014 : «L’avenir passe par les pipelines». Donc pas de pipelines et d’oléoducs veut dire pas d’avenir pour nos enfants? Est-ce que vous comprenez ça? Si vous avez le moindrement de la compassion, vous allez répondre positivement et vous enrôler pour la juste cause : «L’Alberta appelle les Québécois en renfort. Son PM juge que le Québec doit faire sa part (en faisant quoi au juste?) pour aider sa province» (Le Journal de Montréal, 5 février 2020). Couillard avait dit la même chose.
Le plus gros fonds public du monde : un empêcheur de tourner en rond
Avec des actifs de plus de 1000 milliards de dollars (contre environ 50 milliards$ pour la Caisse de dépôt du Québec), et bien : «Un fonds norvégien abandonne les sables bitumineux» (Le Devoir, 14 mai 2020). Les Norvégiens, des socialistes en bonne et due forme. Il ne faut pas s’en faire avec ça, ni avec ça : «L’Alberta a caché un rapport accablant, sur les changements climatiques (et les sables bitumineux)» (Le Journal de Montréal, 27 février 2020).