
Les gouvernements cèdent encore devant Air Canada
Après le gouvernement du Québec, c’est au tour du gouvernement libéral fédéral de céder, de nouveau, aux diktats du monopole milliardaire privé Air Canada, autrefois un bien collectif : «Une aide conditionnelle pour le secteur aérien (et surtout Air Canada)» (Le Devoir, 9 novembre 2020). Naturellement, le financement public sera de quelques milliards de dollars. Le ministre libéral des Transports Marc Garneau a grimpé dans les rideaux et fait son méchant en conditionnant l’aide fédérale versée, avec l’argent de la population, au remboursement des consommateurs pour les vols cancellés durant la pandémie et à la restauration des vols interrompus par Air Canada en région au Québec et ailleurs. En passant, aux États-Unis et en Europe, les gouvernements ont obligé les transporteurs aériens à rembourser leurs clients mais pas au Canada où c’est Air Canada qui fait la loi. Est-ce qu’il y en a encore un qui prétend que la privatisation sans débat public et pour des pinottes d’Air Canada fut bonne pour l’ensemble de la population?
Une vraie mascarade
En agissant de la sorte, il faut bien se rendre à l’évidence que c’est vous et moi qui, dans les faits, allons rembourser les consommateurs pour les vols annulés à cause du virus COVID-19 et qui allons payer Air Canada pour qu’elle daigne maintenir ses liaisons à gros prix dans les régions grâce à l’argent public pris dans nos poches et versé par le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau à ces arnaqueurs aériens : «Air Canada abandonne les régions du Québec» et «Voyageurs floués. Indigne d’un État de droit» (Le Journal de Montréal, 2 juillet 2020 et Le Devoir, 16 juillet 2020).
Subventionner des milliardaires privés
Air Canada a réalisé des milliards de dollars en profits ces dernières années, des milliards qui ont essentiellement servi à choyer ses actionnaires et ses dirigeants en leur versant de gros dividendes, en rachetant leurs propres actions et en accordant des options d’achat d’actions, des gros salaires, bonus et fonds de pension aux boss.
Premièrement, en 2020, Ottawa avait déjà aidé Air Canada par le biais de la subvention salariale : «Coronavirus : Air Canada fait appel à la subvention salariale» (Le Devoir, 9 avril 2020». Deuxièmement, au mois de juin 2020, Air Canada a émis des actions et des titres de créance pour 1,6G$ et affichait alors une encaisse de près de 10G$ : «Air Canada mobilise 1,6 milliard. Ses liquidités s’élèvent maintenant à environ 9,7 milliards$» (Le Devoir, 3 juin 2020). Si Air Canada a pu, en 2020, émettre des actions et emprunter, c’est le signe qu’elle était loin d’agoniser.
Où est passé le «cash»?
Air Canada a toujours réalisé de gros profits, grâce à sa position quasi-monopolistique au pays, et en engrangera d’autres plus importants après le passage du coronavirus. Juste en observant le titre de ces articles de journaux des dernières années, il est facile de constater qu’un gouvernement fédéral vraiment au service de l’intérêt supérieur de la collectivité aurait refusé de verser des fonds publics à ce monopole privé; l’aurait obligé, comme cela s’est fait ailleurs, à rembourser les consommateurs pour les vols régionaux à un prix décent comme cela était le cas lorsque la compagnie Air Canada était une société d’État :
- 2018 : «Air Canada garde le cap sur les records» (Le Devoir, 17 février 2018);
- 2017 : «Des profits records pour Air Canada» (Le Journal de Montréal, 2 août 2017);
- 2016 : «Air Canada dégage un autre bénéfice record» (Le Devoir, 18 février 2016);
- 2015 : «Air Canada affiche des résultats records, malgré le taux de change» (Le Devoir, 12 février 2015);
- 2014 : «Air Canada réalise un bénéfice historique» (Le Devoir, 7 novembre 2014).
Dans les années 90’s, Patrick Juvet chantait «Où sont les femmes?». Aujourd’hui on pourrait chanter «Où sont les profits d’Air Canada?».
Le grand patron se paie la traite sur notre bras
C’est si triste : «Rovinescu (le président d’Air Canada) tire sa révérence» (Le Devoir, 17 octobre 2020). Mais ne vous inquiétez surtout pas pour les fins de mois du monsieur puisqu’il recevra une pension annuelle d’environ 1 million de dollars. En 2019, l’affairiste a passé à GO et a encaissé 52 millions de dollars en vendant ses options d’achat d’actions. Puis, en 2018, il a reçu un salaire de 12,5 millions$ et, bonne nouvelle, en 2017, il a touché un beau 31 millions$. J’oubliais : un autre minuscule 3,2 millions$ en 2020, suite à l’exercice de d’autres «stock options» : «Le jackpot du PDG d’Air Canada» et «L’Autorité des marchés financiers (AMF) va-t-elle enquêter sur le PDG d’Air Canada?» (Le Journal de Montréal, 10 et 13 août 2019).
Par décence, le PLC devrait exiger davantage
Il me semble que c’est bien le minimum en termes de décence que le gouvernement libéral du Canada et son ministre des Transports, Marc Garneau, exigent d’Air Canada, d’autres choses comme celles-ci :
- Ne pas verser de dividendes avant d’avoir remboursé toutes les subventions publiques;
- Ne pas hausser la rémunération annuelle des dirigeants et ne pas leur octroyer d’autres stocks options qui sont des hausses de salaires déguisées et reportées;
- Ne pas racheter leurs propres actions avant le paiement total des aides gouvernementales;
- Exiger, sous peine de fortes amendes, qu’Air Canada offre, en bonne et due forme, un service en français au Québec et au pays : «Air Canada, délinquant numéro 1 des services en français» et «Air Canada a encore violé les droits des francophones» (Le Journal de Montréal, 29 août et 16 mai 2019);
- S’assurer que la compagnie ne détourne pas de profits dans les paradis fiscaux.
Pourquoi ne pas avoir pris une participation comme ailleurs?
Encore, et pour une énième fois, les gouvernements ont cédé face aux pressions de nos maîtres. Au lieu de se contenter de conditions que nos élus savent très bien qu’elles ne seront pas respectées par Air Canada une fois l’argent du public empoché, le gouvernement canadien aurait dû faire comme en Europe et comme lui-même l’avait laissé entrevoir à la mi-octobre 2020 : «Ottawa prêt à intervenir pour acquérir en partie Air Canada» (Le Journal de Montréal, 18 octobre 2010). Voilà ce qui aurait dû être en fait, au nom du bien commun. Renationaliser en partie Air Canada, et aussi le CN, afin que ces compagnies cessent d’arnaquer les consommateurs, leurs employés, les gens en région, les gouvernements locaux et provinciaux, etc., grâce à une participation de blocage d’au moins 20% des actions émises et à la présence au conseil d’administration de représentants, pas de l’élite économique, mais du peuple.
À ceux qui disent que je rêve toujours en couleurs, alors laissez-moi vous dire que c’est ce que le gouvernement allemand a fait cette année (2020) lors de son aide financière publique octroyée à Lufthansa, compagnie plus grosse qu’Air Canada : «L’État allemand devient actionnaire (au moins 20% des droits de vote) de Lufthansa» (Le Devoir, 26 mai 2020). Et saviez-vous que les gouvernements français et néerlandais (Pays-Bas) détiennent chacun environ 14% de cette gigantesque compagnie aérienne : «Les États débloquent 11 milliards d’euros pour sauver Air France-KLM» (Le Devoir, 25 avril 2020). Si les autres le font, pourquoi pas nous?
Renationaliser complètement Air Canada vous dites? Suggérer ça et je vais passer pour un fou furieux communiste auprès de certains experts journalistes, élus et universitaires. Il faut aujourd’hui parler de privatisation pour faire «bon chic bon genre», même si on vit en Occident dans un système socialiste capitaliste dans lequel le privé, qui veut être libre, ne s’offusque pas de la présence de l’État qui lui verse des milliards en fonds publics chaque année.