Heinz : le ministre promet l’achat de tomates québécoises

Nos élus sont des domestiques

Déjà que les transnationales comme l’américaine Kraft Heinz sont plus riches, plus grosses et plus puissantes que l’État canadien, et encore plus que l’État québécois, il va falloir que nos vaillants politiciens manquants de connaissances et patriotisme sachent que tous les traités de libre-échange – qu’ils ont joyeusement négocié en catimini et qu’ils ont approuvé – accroissent davantage le pouvoir des transnationales et amoindrissent celui des gouvernements en abolissant les impôts douaniers et en octroyant d’autres droits légaux aux détenteurs de capitaux. Après ça, ils ne savent même pas, par ignorance ou par complicité, qu’ils ont moins de leviers pour agir au nom du bien commun sur les grosses corporations et riches individus. Ils ont dorénavant seulement le pouvoir d’intervenir sur le monde et les syndicats ordinaires et de détruire notre environnement au nom du progrès, à la demande des gros et au détriment des générations futures. Ils sont devenus des figurants provenant du privé, financés par lui et qui vont y retourner après leur service politique, comme ce fut le cas pour Lucien Bouchard, Jean Charest, Martin Coiteux, Brian Mulroney, Stephen Harper, Raymond Bachand, Monique Jérôme-Forget et plein d’autres.

Les belles promesses de François Legault

En campagne électorale de 2018, François Legault et la CAQ avaient promis qu’ils étaient pour obliger Bell, Telus, Videotron et Rogers à offrir l’internet haute vitesse en région. La belle affaire! Les boss lui ont ri en pleine face, avec comme résultat que Legault est revenu bredouille : «La CAQ ne respectera pas (en raison du refus du cartel canadien) sa promesse pour Internet haute vitesse en région» (Radio-Canada, 5 octobre 2020). Afin d’inciter l’oligopole de l’internet d’aller en région, le gouvernement du Québec leur a offert des centaines de millions de dollars en subventions publiques, en plus du gouvernement fédéral : «Ottawa (parti libéral) réserve 1,75 milliards$ pour l’accès à internet haute vitesse» (Le Journal de Montréal, 9 novembre 2020). Rien n’y fit. Les parrains de l’internet en veulent plus. Nos élus pourraient légiférer afin de leur tordre les bras mais ils ne le feront pas afin de ne pas contrarier et irriter leurs maîtres.

Aussi, en 2018 : «François Legault promet qu’il négociera lui-même avec Air Canada des prix plafonds sur les billets d’avion» (Le Devoir, 15 septembre 2018. Air Canada dans la mire des chefs). Air Canada a répliqué en abandonnant ses vols en région au Québec en attendant de recevoir des centaines de millions additionnels en fonds publics afin de daigner y retourner. François est encore revenu gros Jean come devant.

Les joyeuses promesses du ministre caquiste de l’Agriculture

Et voilà que le ministre caquiste «junior», André Lamontagne, qui, lors du lancement de la campagne Achetons québécois, a clamé haut et fort qu’il «veillera à ce que le géant américain Kraft Heinz s’approvisionne dorénavant de tomates québécoises» (Le Journal de Montréal, 20 novembre 2020. Plus de tomates d’ici. C’est la promesse faite hier dans le dossier Kraft Heinz). Il faut dire que le gouvernement caquiste venait de verser 2 millions$ à cette multinationale pour l’aider à financer l’ajout d’une ligne de production de ketchup à son usine de Mont-Royal, elle qui achète tous ses fruits aux États-Unis : «L’affaire est ketchup. Subvention de 2 millions$ à Kraft Heinz qui n’achète pas ses tomates au Québec» (Le Journal de Montréal, 18 novembre 2020).

Franchement! On vient d’assister à un autre numéro de comédie burlesque. Les dirigeants de Kraft Heinz aux États-Unis vont dire poliment à François Legault et à André Lamontagne de prendre un numéro ou de s’adresser à leur secrétaire de direction. Pensez-vous vraiment que la CAQ va pouvoir obliger Kraft Heinz à acheter dans le futur des tomates québécoises? Ce sont les actionnaires qui décident, pas les élus qui n’ont aucun pouvoir, sinon celui de faire des shows de boucane.

Les politiciens oublient le cas de Provigo

Il me semble que ça ne prend pas un doctorat ni même être une 100 watts pour comprendre que si on veut acheter vraiment des fruits et des légumes du Québec, il faut avoir le contrôle juridique de nos grandes entreprises manufacturières et de détail ou de modifier les traités de libre-échange afin de restaurer le pouvoir des élus et la souveraineté des nations sur les agents économiques. Ça prend juste quelqu’un qui est sincère et qui a à cœur l’intérêt collectif.

Petits que sont certains politiciens et d’autres qui aujourd’hui se battent pour la parure, afin d’inciter les Québécois à acheter des produits du Québec. Il faut se donner les moyens de ces élucubrations. En 1998, la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui détenait le contrôle effectif de la québécoise Provigo, un joyau créé ici par des entrepreneurs québécois, fut vendue à l’ontarienne Loblaw avec toutes les conséquences négatives au niveau de l’emploi et de l’achat local au Québec.

Desjardins, Parizeau et chroniqueurs inféodés applaudissent la vente

Pour les analystes de la banque Desjardins, pour qui l’argent prime sur toutes les autres valeurs qui lui sont secondaires : «La vente de Provigo à Loblaw : un bon deal» (Le Journal de Montréal, 31 octobre 1998). Comme le chantait notre grand poète québécois Gilles Vigneault : «Qu’il est difficile d’aimer (des pseudo-nationalistes comme Desjardins)». Puis, l’ex-premier ministre péquiste, économiste de formation, Jacques Parizeau, était lui aussi emballé par cette dépossession tranquille et suggérait même ceci : «La Caisse de dépôt pourrait acheter des actions de Loblaw» (Le Devoir, 3 novembre 1998). On pourrait aussi recommander au gouvernement du Québec, à la Caisse de dépôt et à Investissement Québec d’acheter des actions de Kraft Heinz un coup parti et surtout tant qu’à dire n’importe quoi?

Pour nos éminents chroniqueurs du Devoir (Jean-Robert Sansfaçon) et de La Presse (Alain Dubuc, recyclé en professeur aux HEC et investisseur dans le cannabis), ce fut aussi une bonne chose pour le Québec, tel que signalé dans leurs éditoriaux d’anthologie intitulés : «Le consommateur d’abord (pas du tout vrai, ceci n’a fait que renforcer le puissant oligopole de l’alimentation au détail au Québec)» (Le Devoir, 4 novembre 1998). Et aussi, gracieuseté d’Alain Dubuc : «Loblaw et le mythe de Québec Inc.» (La Presse, 3 novembre 1998). Et dire qu’il est devenu professeur d’économie aux HEC de Montréal. Pas fort.

Provigo-Loblaw et l’achat local

Une erreur grandiose que d’autres États n’auraient pas comme celui de se départir d’un outil économique majeur, pour la souveraineté économique du Québec et l’achat local, que fut la vente à des étrangers de Provigo qui, grâce à l’importance et l’envergure de ses nombreux magasins au Québec et à son immense pouvoir d’achat, pouvait vraiment influer sur l’achat local, plus que par des belles paroles creuses de nos élus. Sans que les gouvernements québécois puissent et veulent agir, le ministre caquiste de l’Agriculture, qui veut forcer Kraft Heinz à acheter ses tomates au Québec, devrait observer attentivement ce qui s’est passé suite à la vente du fleuron québécois à Loblaw. Vente qui fut, rappelons-le, concrétisée et encouragée par nos éminents élus et par nos élites universitaires, journalistiques et économiques du temps. Voilà ce qui est arrivé sans que nos politiciens puissent intervenir :

  • «Provigo (dorénavant détenue par Loblaw) : les fruits et légumes seront achetés à partir de Toronto» (Le Journal de Montréal, 26 juillet 2003);
  • «Centralisation de Loblaw à Toronto. L’agroalimentaire québécois s’inquiète» (La Presse, 5 mai 2006);
  • «Loblaw ferme deux centres de distribution au Québec» (Le Journal de Montréal, 30 mars 2004);
  • «Loblaw dit au revoir à une centaine de petits (et grands) producteurs québécois» (La Presse, 23 avril 2009);
  • «Cordon Bleu perd un contrat de Loblaw» (La Presse, 30 août 2010);
  • «Alimentation/Provigo : La vente du géant québécois a eu de graves conséquences. Un désastre» (Le Journal de Montréal, 23 août 2012);
  • «Provigo : de siège social (au Québec) à centre de services» (Les Affaires, 31 mai 2008).

Le contrôle de nos entreprises

Favoriser et encourager l’achat local simplement par de belles paroles de nos gouvernements et par de jolies campagnes publicitaires représente dans les faits que du blabla et dénote un bon dosage d’hypocrisie. Pour acheter local, il faut commencer par en trouver sur les tablettes des marchands…

Dans le prochain texte, je vais revenir sur la vente de quelques trésors de l’alimentation à des étrangers avec l’assentiment de nos élus qui, par après, nous implorent d’acheter québécois.  

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