
À qui a profité la privatisation d’Air Canada?
Mes amis, dites-moi pourquoi et au profit de qui le gouvernement fédéral a privatisé dans les années 90, pour des pinottes, des joyaux collectifs comme Air Canada, le CN, Pétro-Canada, Téléglobe et Télésat (à Bell et à l’arriviste Charles Sirois, co-fondateur de la CAQ avec François Legault, qui reçoit beaucoup d’aide gouvernementale), de Canadair (à Bombardier), des Arsenault canadiens (armements) et des édifices fédéraux à SNC-Lavalin, etc.? Ne me répondez surtout pas que ce fut pour enrichir les Canadiens (plutôt certains canadiens) et que cela a été accompli au nom du bien commun et de la démocratie. Il fallait moderniser l’État qu’ils disaient…
Quand Air Canada était de propriété publique
Quand Air Canada était une société à propriété collective, elle offrait un bien meilleur service; leurs employés parlaient français; elle allait en région même si ce n’était pas rentable; elle affichait des prix raisonnables et ses dirigeants étaient payés beaucoup moins que la débauche salariale actuelle des patrons. Tout un succès comme privatisation : la compagnie ne va plus en région, à moins d’être outrageusement subventionnée (comme le CN d’ailleurs); on a de la difficulté à être servi en français, même au Québec; le prix des billets a explosé et les nouveaux propriétaires-actionnaires et les dirigeants sont gavés de million de dollars chaque année.
Hausse des tarifs et des subventions
Et les smattes qui prétendent que la privatisation de biens et de services publics amène plus de concurrence, qui de ce fait doit fait baisser les prix, sont encore dans le champ. Air Canada, tout comme le CN, constitue un vrai monopole ou tout au plus un oligopole au Canada (et davantage en région); Pétro-Canada fait partie du joyeux cartel canadien de l’essence avec Shell, Ultramar et Esso et le duo Téléglobe-Télésat est tombé dans les mains d’un autre cartel, soit celui composé de Vidéotron-Rogers-Bell-Telus. Dans ces cas précis, les prix ont pris quelle direction, je vous le demande? Et un dernier point : ces anciens biens publics que l’on a privatisé sans aucune consultation ont continué à exiger davantage de subventions publiques et sont de ce fait restés accrochés aux mamelles de l’État, n’ayant de privé que le nom. À cet effet, pensez à Bombardier, SNC-Lavalin et Air Canada.
Gros profits et grosses subventions riment bien ensemble
Dans les années antérieures, comme Air Canada est en situation de quasi-monopole au pays, il lui a été facile d’engranger ces dernières années des profits records :
- 2018 : «Air Canada garde le cap sur les «records»» (Le Devoir, 17 février 2018);
- 2018 : «Deux milliards de profit pour Air Canada» (Le Journal de Montréal, 17 février 2018);
- 2017 : «L’action d’Air Canada prend près de 10% après un deuxième trimestre «record»» (Le Devoir, 2 août 2017);
- 2016 : «Les profits d’Air Canada bondissent de 76%» (Le Journal de Montréal, 8 novembre 2016);
- 2016 : «Air Canada dégage un autre bénéfice «record» (Le Devoir, 18 février 2016);
- 2015 : «Air Canada affiche des résultats «records», malgré le taux de change» (Le Devoir, 12 février 2015);
- 2014 : «Air Canada réalise un bénéfice «record» historique» (Le Devoir, 7 novembre 2014).
Vous ne trouvez pas qu’un profit record n’attend pas l’autre à chaque exercice financier? Voilà ce qui arrive dans les secteurs d’activités dans lesquels il n’y a pas de véritable concurrence, comme c’est le cas pour l’internet, l’essence, le pharmaceutique, le transport ferroviaire, les banques, le transport aérien, les cartes de crédit, etc.? Cela n’a rien à voir avec la prétendue compétence des dirigeants d’entreprises qu’ils invoquent tout le temps afin de légitimer leurs millions de dollar en rémunération qu’ils se versent chaque année. Ils disent aussi que leurs salaires ont été autorisés par les membres du conseil d’administration, qu’ils nomment eux-mêmes. Entre copains, il faut bien d’entraider. De tels salaires constituent un vol institutionnalisé. Et il faudrait «ajuster» la rémunération de nos dirigeants de société d’État et de services à ce qu’ils appellent le «marché».
Où est passé le fric?
De 2014 à 2019, comme vous l’avez remarqué, Air Canada a réalisé des profits records à chaque année. Mais où donc est passé le fric, puisqu’en 2020, ses dirigeants ont imploré l’aide du gouvernement fédéral? Comme pour les autres entreprises à but très lucratif et très capitaliste, la grande proportion des bénéfices records a été distribuée généreusement aux actionnaires et aux boss, comme ce fut le cas pour les banques milliardaires lors de «leur» crise financière de 2008 et qui furent sauvées de la faillite grâce à des centaines de milliards de dollars en fonds publics.
Air Canada demande et reçoit de ses amis au gouvernement
En 2020, Air Canada a reçu du gouvernement fédéral de Justin Trudeau un beau chèque de 656 millions de dollars versés à même nos fonds publics : «Coronavirus. Air Canada fait appel à la subvention salariale» (Le Devoir, 9 avril 2020). Et en 2021, Air Canada est de nouveau passé à GO et a eu droit à un autre beau cadeau public de 5,9 milliards, gracieuseté du PLC : «Ottawa s’entend avec Air Canada sur un plan d’aide financière» (Le Devoir, 13 avril 2021). Cela n’a pas empêché Air Canada de «flusher» 20 000 employés ordinaires.
Le gouvernement fédéral achète une participation de seulement 6% des actions
Quelle farce grotesque qui constitue du mépris. Après avoir privatisé Air Canada pour presque rien, voilà qu’en 2021, le gouvernement fédéral verse un autre 500 millions$ à Air Canada afin d’acquérir une minime participation de 6% en circulation qui ne servira à rien. De l’argent public garroché par les fenêtres : «Ottawa prêt à investir pour acquérir en partie Air Canada?» (Le Journal de Montréal, 18 octobre 2020).
Pour le mieux-être de la collectivité, il aurait fallu que le gouvernement fédéral nationalise au complet Air Canada en 2021 à l’aide d’une partie des 5,7 milliards$ qu’il vient d’accorder en aide financière à la compagnie.
Pendant ce temps en Allemagne, en France et aux Pays-Bas
À tout le moins, le gouvernement libéral du Canada aurait dû être moins complaisant et moins complice et agir comme le gouvernement allemand qui vient de prendre une participation de 20% dans sa compagnie aérienne nationale, pas mal plus grande qu’Air Canada, et qui fera de lui (et de loin) le plus important actionnaire : «L’État allemand devient actionnaire de Lufthansa» (Le Devoir, 26 mai 2020). Ou il aurait pu faire comme les gouvernements français et néerlandais qui ont chacun 14% des actions d’air France-KLM : «Les États débloquent 11 milliards pour sauver Air France-KLM» (Le Devoir, 25 avril 2020). Ces prises de participation de gouvernements européens leur donnent droit à un pouvoir de blocage et de prise de décisions dans les affaires de la compagnie.
La cerise de 20 millions$ sur le gâteau
Pandémie ou pas, faillite ou pas, subventions ou pas, c’est business as usual pour les boss scélérats qui, la même année qu’ils quémandaient plus de 6 milliards de dollars au gouvernement afin d’éviter la faillite, se sont versés, en plus de leurs millions en salaire usuel : «Des bonis spéciaux de 20M$ pour les dirigeants d’Air Canada» (Le Journal de Montréal, 31 mai 2021). Un hold-up pur et simple comme ce fut le cas pour les patrons de Bombardier qui avaient profité de la main visible de l’État pour s’octroyer de très gros salaires et bonus. Bande d’incompétents, les négociateurs et les politiciens du gouvernement libéral n’auraient-ils pas pu inclure une simple clause à cet effet, afin d’éviter les abus? Comme au provincial avec Couillard, Anglade et cie qui s’en lavaient les mains et justifiaient même les généreux salaires des dirigeants de Bombardier, que l’on venait de sauver de la faillite, la «tough» ministre fédérale des Finances a réagi ainsi : «Chrystia Freeland déçue des primes chez Air Canada» (Le Devoir, 3 juin 2021). La dame veut assurer la suite de sa carrière dans le privé. Elle est plus «gaillarde» quand vient le temps de varloper la Russie, dont elle est dissimule mal sa haine pour ce beau grand pays que nos démocraties nous poussent à haïr.
Et, grosse nouvelle : «Des dirigeants (seulement 5) d’Air Canada remettront (en partie) leurs primes de rendement» (Radio-Canada, 7 juin 2021). Les quelques gros boss, comme l’ex-président Calin Rovinescu, renoncent à leurs scandaleux bonus, mais pas les 900 autres patrons qu’ils nomment cadres pour mieux vous tromper. Disons qu’en 2019, le débonnaire mécène Rovinescu a encaissé 52,7 million et 31 millions$ en 2017, en exerçant ses options d’achat d’actions, dont la moitié n’est pas imposable : «Le grand patron d’Air Canada a engrangé 52,7 millions d’un seul coup» (Le Journal de Montréal, 8 août 2019).