Les projecteurs médiatiques sur les Charniers et l’Église Catholique
Texte de Claude St-Laurent, psychiatre et psychanalyste

Grâce aux médias, tous les regards se sont tournés vers les Pensionnats Autochtones (1883-1996) près desquels on vient de retrouver les restes d’enfants morts et enterrés sans cérémonie, révélant scandaleusement une immense entreprise qualifiée de génocidaire.
On se retrouve ainsi dans des circonstances assez comparables à la découverte des camps d’extermination de Dachau, Belzec, Sobibor, Treblinka etc. La guerre venait de prendre fin, nous n’avions cessé d’espionner, d’infiltrer et de poursuivre nos ennemis mais nous disions ne pas savoir que depuis des années les Nazis s’employaient par tous les moyens possibles à exterminer les Juifs, les mêmes, sinon les parents de ceux que nous côtoyions dans notre vie ordinaire. Dès lors, il est douloureusement risible d’entendre monsieur Trudeau, premier ministre du Canada, s’en prendre à l’Église Catholique et sommer le Pape François à venir se mettre à genoux à Ottawa, révélant ainsi au monde entier, ceux qui sont, souhaite-t-il, les principaux coupables de l’infamie commise dans les Pensionnats canadiens.
monsieur Trudeau semble lui aussi découvrir une horreur dont il ne connaîtrait pas l’origine et le déploiement au cours des années qui ont suivi la guerre contre les Métis, la mort de Riel et la proclamation de la Loi inique (1883) à l’encontre des Autochtones du Canada.
Comme, hélas, un tas d’autres, monsieur Trudeau semble ignorer que depuis la Loi McDonald, tous les politiciens canadiens, y compris un nombre imprécis de québécois, ont su fermer les yeux sur les privations, les abjections et la volonté d’extermination socio-culturelle de ceux qu’on appelait nos « Amérindiens » qu’ils avaient pourtant pris soin de cacher dans les Réserves pour que le crime se puisse perpétuer dans l’inconscience la mieux planifiée.
Sachant cela, Justin Trudeau, ce grand défenseur des valeurs modèles de dénationalisation, aurait dû départager soigneusement les responsabilités et imputer à chaque groupe culturel un rôle précis dans la conception, la réalisation, et les conséquences sordides de ce projet d’allure génocidaire. Oui, car il faut bien arriver à se demander « Qui » a conçu ce projet, « Qui » a recruté les agents envoyés cueillir les enfants dans les Réserves, « Qui » a assuré les moyens et les frais d’installation des édifices, « Qui » a payé le personnel administratif et enseignant?
Si l’on veut assurer la compréhension, la conscientisation et la réparation de cette entreprise honteuse, il faut, non pas seulement faire la part des choses, mais saisir les niveaux où loger les intentions criminelles. Dans toute action et toute entreprise, il y a les fins et il y a les motifs. Cela ressortait clairement de la déclaration de l’Évêque de Saint-Jérôme, s’exprimant au nom de l’Assemblée des Évêques du Canada. Au niveau des fins, Monseigneur Poisson n’hésite pas un instant : il avoue que les autorités cléricales ont collaboré avec le gouvernement fédéral dans des actions vouées à la déculturation et éventuellement à l’extermination sociale des Autochtones. Il demande pardon et il annonce que l’Église prendra tous les moyens pour réparer autant qu’elle le pourra les dommages psychologiques et spirituels. Quant aux motifs, il ressort de son texte qu’il lui est impossible de prêter des motifs criminels à ceux qui, des ordres religieux, frères et sœurs de diverses communautés, se sont engagés auprès des enfants.
Il est en effet répugnant, à toute personne qui a connu, même superficiellement ces intervenants scolaires ou médicaux, d’imaginer que ces personnes sans intérêts personnels, sans réputation autre que de dévotion et de générosité, se soit dévoyées, une fois réunies dans les pensionnats, dans le but de persécuter, de violer et de tuer les enfants. On ne peut concevoir une telle accusation qu’en vue de disculper des notables protégés par le Pouvoir ou en danger de voir leur prestige ruiné à jamais. Sur le plan des motifs, il semble donc raisonnable de penser, qu’exceptionnellement certains individus malveillants et pathogéniques aient pu se retrouver au milieu des autres et parvenir à déjouer, voire à désarmer les autorités responsables de leur conduite honteuse.
Quoi qu’il en soit, il reste un découvert, une carence morale, sociale et politique à combler à l’égard de nos frères autochtones et c’est à eux de nous dire ce qu’on leur doit et ce qu’ils attendent de nous, en réparation de l’offense.