
11 septembre et les médias
Ça fait malheureusement déjà 20 ans qu’est survenu l’attentat à New York, revendiquée par Al-Qaida, où deux avions se sont écrasés dans les tours jumelles et qui ont fait près de 3000 morts. Triste événement. À chaque année, nos médias d’ici, en signe de compassion et de solidarité, nous rappellent ce drame grâce à une généreuse couverture où le sujet est traité sous tous ses angles.
En cette année 2021, donc vingt ans plus tard, nos médias écrits et parlés ont consacré chaque jour pendant plus d’une semaine d’amples reportages nous rappelant en détail les décès, les maladies, les terribles effets, les traumatismes, les héros, les drames, etc. découlant de ce geste horrible afin que les Québécois et les Canadiens n’oublient pas ce tragique événement vécu par nos frères et sœurs américains : «Le 11 septembre, 20 ans plus tard, un dossier à lire en pages B1 à B5» (Le Devoir, 11 septembre 2021).
Mais moins de couverture pour le 1,5 million de morts irakiens
En 2003, les Américains, en mentant effrontément, ont envahi militairement l’Irak afin de se débarrasser du récalcitrant Saddam Hussein qui était supposément en train de se doter de l’arme nucléaire, entretenait des liens étroits avec Al-Qaeda, torturait et tuait des gens, etc. On parle ici d’une invasion américaine et anglaise et non d’une guerre à proprement parlé : «Les 935 mensonges de l’administration Bush sur l’Irak» (La Presse, 24 janvier 2008). Le majordome anglais des Américains, Tony Blair, alors premier ministre de Grande-Bretagne, a aussi beaucoup menti afin de justifier le 1,5 millions de décès qui allait découler de ce crime humanitaire : «Blair dévoile son dossier (tronqué) sur l’Irak» (La Presse, 25 septembre 2002).
Pour les Occidentaux et les Américains, renforcer leur hégémonie dans la région du Golfe et s’approprier les ressources naturelles de l’Irak primaient bien évidemment sur la défense des droits humains et l’instauration d’une démocratie véritable : «Bush a envahi l’Irak pour le pétrole, croit Jean Chrétien» et aussi «Irak. Un proche de Bush sera chargé des privatisations» (La Presse, 26 novembre 2007 et Le Devoir, 9 août 2003).
Nos médias partiaux ne reviennent jamais sur ça
C’est drôle, chaque année, tous nos médias canadiens et québécois reviennent amplement sur ce triste événement survenu aux États-Unis le 11 septembre 2001, qui a fait approximativement 3000 morts, mais jamais ils ne reviennent sur le 1,5 million de morts survenu en Irak lors de l’invasion criminelle de ce pays, principalement par les États-Unis. Dans ce cas, il faut parler de crimes et de meurtres et, de ce fait, les principaux responsables de ce carnage odieux, Bush, Rumsfeld, Rice, Cheney, Blair, et cie devraient être au minimum traduits en justice : «Amnistie internationale demande au Canada d’arrêter (ils l’ont bien fait lors de l’arrestation de la dirigeante chinoise de Huawei, à la demande expresse des Américains) George W. Bush (et d’autres aussi). Les lois canadiennes (subjectives) et le droit international (élastique) obligent Ottawa à ouvrir une enquête pour crimes de guerre et de torture» (Le Devoir, 13 octobre 2011). Et dire que récemment Joe Biden a traité Poutine de «tueur» (Le Devoir, 18 mars 2021). Gilles Vigneault a dit cette touchante phrase célèbre : «Tous les humains sont de ma race». Alors pourquoi nos médias n’ont pas la décence de remémorer chaque année ces malheureux humains, dont des milliers d’enfants, assassinés par les Américains et autres sous de faux prétextes formulés afin de dissimuler les vraies raisons et d’obtenir la faveur et l’assentiment de leurs populations? Pourquoi ce «deux poids, deux mesures» de la part de nos médias privés supposément indépendants et objectifs? Dire que nos médias relayaient généreusement les mensonges de Bush et cie.
Comment ne pas au moins s’indigner?
Je le répète : l’embargo, même sur les médicaments, et l’invasion militaire principalement des Américains ont fait au moins 1,5 millions de morts, et on n’en parle jamais dans nos beaux médias privés libres et démocratiques. Lors d’une entrevue au réseau américain CBS, la secrétaire d’État américaine d’alors avait tout bonnement dit ceci en 2001 : «Le demi-million de bébés irakiens morts des suites de l’embargo américain (médicaments) était un prix raisonnable à payer pour la paix (et l’hégémonie américaine et israélienne) dans le Golfe» (La Presse, 27 septembre 2000. Excellent article du non moins excellent journaliste Jooneed Khan). C’est écœurant de tenir de tels propos qui banalisent le meurtre prémédité et gratuit de 500 000 bébés irakiens. Bah, ce sont juste des poupons arabes irakiens. Ce n’est pas pareil pour les 3000 américains décédés lors du 11 septembre 2001 à New-York. Suite à cet aveu en public, la dame aurait dû être emprisonnée sur le champ.
Le seul embargo a tué 1 million d’irakien
Ah que les États-Unis étaient contents de la démission en 1998 de Dennis Holiday du poste de coordonnateur du Programme humanitaire de l’ONU en Irak, qui était à leurs yeux un peu trop critique à leur égard. Monsieur Holiday fut alors remplacé par Hans von Sponeck, un homme plus calme et pondéré. Mais devant l’horreur, bien souvent tenu sous silence par nos médias chéris, il a démissionné à son tour en février 2000. Cet homme posé a dit : «Il ne fait pas de doute que les sanctions économiques imposées à l’Irak (par les USA et autres affiliés) sont un crime contre l’humanité. Plus d’un million d’Irakiens sont morts de suites de l’embargo dont la moitié sont des enfants» (Journal Alternatives, novembre 2001). Curieux, monsieur von Sponeck était venu le 13 octobre 2001 prononcer une conférence à Montréal et aucun de nos médias professionnels n’y a assisté. Et il n’y a pas eu, de ce fait, aucune couverture médiatique dans nos principaux organes d’information. Je les qualifierais de lobbyistes au service du gratin.
Les Américains torturent allègrement
En 2007, en Irak, quatre agents de la firme privée américaine de mercenaires Blackwater a tué sans raison 17 civils irakiens à Bagdad. Au moins, ils ont été reconnus coupables de ces crimes et emprisonnés aux États-Unis. Mais hélas, le fou Donald Trump les a graciés et ils sont maintenant libres comme l’air : «Les grâces accordées par Trump provoquent l’indignation» (Le Journal de Montréal, 23 décembre 2020). Provoque l’indignation mais pas plus. C’est ça l’État de droit, libre, indépendant et démocratique aux States et dans nos pays occidentaux, même si les juges sont nommés par des politiciens qui eux-mêmes agissent sous la férule des puissants.
Vous le savez, on ne fait pas d’omelette dans casser des œufs, sans qu’il y ait des à-côtés malheureux mais inévitables comme quand les Américains partent à la chasse des terroristes : «Irak. Les É-U se désolent, mais ne s’excusent pas. Des frappes américaines visant le groupe EI ont fait de nombreuses victimes parmi les civils» (Le Devoir, 27 mars 2017). Depuis quand les Américains devraient-ils s’excuser de tuer ou de torturer des innocents? Une autre cocasserie : «Irak. Des enfants torturés et injustement condamnés (d’avoir sympathisé avec des terroristes» (Le Devoir, 7 mars 2019).
Réaction lucide du «marché» des capitaux
Les crimes commis chaque jour en Irak par les envahisseurs américains en 2001 étaient parfois couverts par des «brèves» dans nos médias. Mais par contre, plus important que les crimes humanitaires commis pour la seule mainmise des Occidentaux sur la région du Golfe, était de connaître la réaction et l’état d’âme du marché des Occidentaux pour qui seul le fric compte. Oui le «marché» des capitaux était enthousiaste à la perspective que des transnationales occidentales et américaines s’approprient les ressources naturelles et les biens collectifs de l’Irak mais il souhaitait limiter les coûts en le faisant rapidement. Il est bien que nos médias nous aient tenus couramment informés du point de vue du marché créateur de richesse. Bien effrayant de formuler tout haut ces énormités dégradantes et faisant abstraction de toutes considérations humaines :
- «Les marchés applaudissent à la fin des tergiversations sur l’Irak» (Le Devoir, 18 mars 2003). Enfin, l’envahissement militaire de l’Irak. Arrêtons de niaiser;
- Une courte guerre en Irak avantageuse pour l’économie mondiale selon le patronat» (Le Journal de Montréal, 27 janvier 2003). Tuer, oui, mais rapidement pour le bien du marché.
Et le mot de la fin revient à Obama qui nous a servir cette infamie en 2011 : «L’Irak, une réussite extraordinaire» (Le Devoir, 15 décembre 2011). Une réussite extraordinaire pour les States et leurs transnationales s’entend.