Un pas à la fois que disent les hypocrites

Inventer de nouveaux slogans accrocheurs pour mieux vous mentir

Soigner leur image est importante pour les affairistes et les politiciens. Pour ce faire, ils dépensent des millions de dollars chaque année pour se faire payer des firmes de relations publiques, des sondages bidon commandités, des publireportages, des experts et, bien évidemment, des articles de journaux. Pour mieux vous endormir et vous faire croire qu’ils ont changé afin d’améliorer le bien-être collectif et le mieux-vivre ensemble, leurs spécialistes inventent des termes vertueux qui, une fois décodés, n’aboutissement à aucun changement sérieux pour le bien commun, comme moderniser et réingénierier l’État; la gauche efficace et le capitalisme de compassion; le développement durable et parti-pris vert; l’investissement responsable; les ressources renouvelables et enfin la politique des petits pas. Ridicule que vous me direz mais ça pogne grâce à la joyeuse emphase mise de l’avant par leurs journalistes, leurs universitaires et autres du même acabit.

Les petits pas d’achats responsables des entreprises

En 2010, le patronat finance une étude intéressée et hop arrive l’article rédigé par le journaliste Fabien Deglise et publié dans le Devoir (10 février 2010) qui, en fait, est une forme d’infopublicité pour vous farcir la cervelle : «Les politiques d’achats responsables s’installent à petits pas. Plus de la moitié des entreprises étudiées (une recherche à gogo) s’assurent que leurs pratiques et celles de leurs fournisseurs respectent les normes environnementales et les droits du travail (partout dans le monde)». Enfin, les enfants et les travailleurs des sweat-shops au Vietnam, au Pakistan, au Myanmar, en Inde, en Thaïlande, etc. vont avoir des bons salaires et de bonnes conditions de travail. Je déborde de joie. Mais cela ne se réalisera pas à court terme et il faudra être tolérant et patient car on va y aller à petits pas sans rien bousculer et agir intelligemment, comme l’a souligné cet autre bel article, style communiqué de presse, publié dans La Presse du 5 mai 2014 et rédigé par Richard Dupaul : «Vers une mondialisation plus intelligente». Plus intelligente dans le sens plus contrôlée et plus payante. Et puis, êtes-vous heureux et confiants? Le journaliste Richard Dupaul de La Presse en a écrit un autre le 26 mars 2012 afin de convaincre les irrésistibles sceptiques : «La fin du cheap labor se profile». Léo, je t’en prie, garde ton calme et prend de grandes respirations. Pour réactiver ma foi en un monde meilleur grâce au nouveau comportement des affairistes, pourquoi ne pas reprendre les propos d’un homme sérieux et bardé de diplômes, soit Jim Yong Kim, alors président de la Banque mondiale, qui a largué cette perle pleine d’humanisme en 2013 : «Éradiquer l’extrême pauvreté grâce à la manne privée. Le président de cette institution internationale veut voir (c’est juste un souhait) les entreprises privées contribuer à l’élimination de l’extrême pauvreté d’ici 2030» (Le Devoir, 12 juin 2013). Bonne chance. Bien évidemment, rien n’a été fait dans ce sens mais gardons espoir. Comme nous sommes en 2021, il reste encore 9 bonnes années avant d’atteindre 2030 et que tout débloque rapidement. Aie, demander aux entreprises privées d’éradiquer l’extrême pauvreté dans les pays en voie de développement alors qu’elles l’ont toujours accentuée, c’est rire du monde en pleine face. Toutes ces belles paroles hypocrites relayées par nos médias dépendants pour arriver dans les faits à ça : «Les Canadiens paient des milliards pour des articles fabriqués par des enfants (et fabriqués par des sous-traitants d’entreprises privées occidentales)» (La Presse, 12 juin 2017). Le privé humaniste n’a pas supposément seulement éliminé l’extrême pauvreté mais la pauvreté tout court au Sri Lanka, au Cambodge et au Bengladesh. Est-ce qu’on a une poignée dans le dos? Ce sont les mêmes philanthropiques entreprises qui ont aussi, dit-on, mis fin à leur évasion fiscale dans les paradis fiscaux. Enfin, c’est ce qu’elles prétendent. Comme l’a si bien dit, Michel Venne, directeur général de l’Institut du Nouveau Monde en 2010 : «Le rendez-vous des entrepreneurs sociaux. Changer le monde… une entreprise à la fois» (Le Devoir, 29 mai 2010). Changer le monde une entreprise à la fois, ça va être long. Je dirais même jamais. L’Institut du Nouveau Monde oui, mais qui perpétue les bons côtés capitalistes de l’Ancien Monde. Pis, est-ce que vous trouvez ça drôle même si l’on se paie votre tête?

L’environnement, un pas à la fois

Oui, en 2019, Justin Trudeau et son éblouissante ministre de l’Environnement Catherine McKenna ont parlé fort, mais peut-être pas de façon sincère, en s’exclamant : «Ottawa. Les libéraux veulent déclarer l’urgence climatique nationale (en achetant le pipeline TransMountain pour 5G$ et en subventionnant le pétrole sale des sables bitumineux et le gaz obtenu par voie de fracturation). La motion déposée par Catherine McKenna relève de l’hypocrisie, affirme le NPD» (Le Devoir, 15 mai 2019), Le NPD avait bien raison.

Urgence climatique nationale mais sans rien précipiter. En fait, il y a urgence et urgence comme l’a si bien dit la même ministre libérale fédéral de l’Environnement : «Un pas à la fois (c’est-à-dire aux calendes grecques), dit McKenna» (Le Devoir, 15 mai 2019). Un pas à la fois qui ressemble à un pas en arrière à la fois. La planète se réchauffe elle à grands pas mais il faut tout de même y aller un pas à la fois comme l’ont dit les maires de municipalités du Québec : «S’adapter (pas les annihiler mais plutôt s’adapter) aux changements climatiques… un maire à la fois» (Le Devoir, 30 novembre 2019). Ok, d’accord, les sécheresses, les ouragans et les inondations se multiplient et les espèces végétales et animales et les milieux humides (pour faire place à du développement immobilier «durable» et à des cultures «vertes foncées») disparaissent à vitesse grand V mais les experts récidivent : «Un virage vert oui, mais une étape à la fois» (Le Devoir, 18 février 2020). Je vous le redis : vous êtes trop pressés. Il faut être patient pour combattre l’exploitation des travailleurs et la dégradation de l’environnement. Ça va venir comme dans cet autre titre probant : «Développement durable. Un arbre à la fois» (Le Devoir, 19 octobre 2019). Pour maintenant les papillons : «Sauver les monarques, une chenille à la fois» et pour les poissons, comme le chevalier cuivré : «Sauver la pêche locale, un poisson à la fois (s’il en reste)» (Le Devoir, 21 juillet 2021 et 18 juin 2021).

Idem pour la lutte aux paradis fiscaux

Oui nos politiciens canadiens, même s’ils les utilisent, luttent à l’extinction des paradis fiscaux dans le monde mais patiemment : «Ottawa (PLC) entend attraper les évadés fiscaux, paradis par paradis» (Le Devoir, 12 avril 2016). À ce jour, la ministre libérale du Revenu, Diane Le Bouthiller, en a attrapé aucun même si plusieurs nouveaux sont apparus, comme l’ont démontré les Panama, Paradise et Pandora Papers. Vous voulez une autre preuve de leur mépris envers le monde ordinaire? Quelques mois après qu’elle eut affirmé qu’elle attraperait les fraudeurs fiscaux, paradis par paradis, soit au mois d’octobre 2016, le gouvernement fédéral libéral de Justin Trudeau exonérait d’impôt au pays les entreprises canadiennes qui évacuent des milliards de dollars en revenus à la Barbade, un havre fiscal reconnu : «La Barbade restera un paradis fiscal» (Le Devoir, 27 octobre 2016). Il ne faut même pas critiquer les paradis fiscaux sinon on va vous accuser de partir à la «chasse» aux riches.

Les préjugés malsains envers les écoles privées

Vous le savez, c’est le Québec qui compte au Canada le plus de santé et d’école privées. «Privée» est un bien grand mot puisque ces écoles privées sont financées par des fonds publics à plus de 70%. Encore là, vous errez et les dirigeants des écoles privées vont vous décrassez l’esprit : «Bousculer les idées reçues, un parent à la fois. Les écoles privées sont plus rassembleuses (et plus siphonneuses de subventions et d’écrémage de leurs étudiants) que certains se plaisent à l’imaginer (une imagination ténébreuse et tordue comme la mienne)» (Le Devoir, 11 septembre 2021). Il faudrait nous éduquer et faire preuve de beaucoup de pédagogie pour qu’enfin on entre dans le rang deux par deux en rangs serrés.

En vrac pour finir en riant de bon cœur

  • «Imposer la vaccination… une étape à la fois (Le Journal de Montréal, 16 octobre 2021);
  • «Transition énergétique. L’industrie pétrolière fait sa mise… à son rythme (pas trop vite)» (Le Devoir, 2 juin 2021). Encore un pas à la fois;
  • «Résoudre les crises (environnementales et sociales) un cours à la fois» (Le Devoir, 3 octobre 2020). Grâce à nos universitaires qui se sont payer des chaires par le privé;
  • «Déprogrammer l’obsolescence, un grille-pain à la fois» (Radio-Canada, 10 octobre 2019). C’est-à-dire un «toaster» à la fois;
  • Et enfin : «Consommation. Les Québécois font de petits pas (très minimes). Une nouvelle étude (jovialiste) confirme qu’ils sont plus nombreux à faire des choix pour protéger l’environnement (tout en continuant à acheter des VUS, des engrais pour leur beau gazon, des pesticides pour leurs belles terres agricoles, détruire des milieux humides et des grenouilles en voie d’extinction pour construire un autre immeuble à condos, etc.) (Le Journal de Montréal, 26 novembre 2019).

Et ainsi va la vie. Comme le chantait Jean Ferrat, «Que c’est beau la vie» et surtout Claude Michel Schöberg : «Le premier pas».     

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