
Économie de marché et postulats de base
Dans une économie capitaliste fondés sur l’hypothétique marché concurrentiel, alors que plein de secteurs sont dominés par des cartels composés de quelques transnationales (pharmaceutiques, pesticides, pétrole, GAFAM, etc.) qui imposent leurs prix aux consommateurs et leurs volontés aux élus, l’État n’est pas censé intervenir dans l’économie afin de ne pas la perturber. On parle de la main invisible de l’État. Ça, c’est la théorie enseignée aux innocents. Dans les faits, toutes les entreprises plaident d’un côté pour toujours plus de subventions directes et indirectes de l’État, et de l’autre côté pour moins d’État, moins de services publics et pour plus de privatisations. Ce même patronat hypocrite milite pour davantage d’aide gouvernementale et pour moins d’impôts et de taxes à payer et aussi pour plus de traités de libre-échange avec n’importe qui afin de régner en roi et maître et de mettre en concurrence tous les travailleurs et tous les pays de la terre pour le plus petit commun dénominateur. C’est la classe dominante qui fixe l’agenda économique et social dans tous les pays se disant pompeusement démocratiques. Les médias d’information privés sont appelés à agir comme courroie de transmission du discours patronal.
Prenons l’exemple du jeu vidéo au Québec
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi plusieurs multinationales du jeu vidéo choisissent de s’installer au Québec au Québec depuis 20 ans, soit les Ubisoft, Google, Netflix, Amazon et compagnie? La raison en est bien simple : c’est parce que le Québec est très niaiseusement généreux. La province paie au moins 50% des salaires versés par ces mastodontes à titre de subventions directes que l’on vous présente malhonnêtement comme de simples crédits d’impôts, établies à 37,5% des salaires consenties aux employés, en plus des prêts non remboursables et sans intérêt, des tarifs bonbons d’électricité, des congés d’impôts sur le revenu et de taxes, etc. Et après ça, on vient nous dire, en nous prenant pour des valises, que c’est très rentable pour le Québec sans toutefois avancer aucun chiffre précis. D’ailleurs, au départ de ce généreux programme de subventions du jeu vidéo au Québec, lancé au début des années 2000 par le péquiste feu Bernard Landry, jamais on ne nous a daigné nous présenter une étude indépendante sérieuse, tant du côté patronal que du côté gouvernemental. Nos élus inféodés se sont fiés aux belles paroles de leurs amis lobbyistes, souvent d’ex-collègues politiciens. Croyez-moi, si c’était vraiment payant, on publierait des états financiers sur l’industrie et des recettes fiscales du gouvernement sur une base régulière.
Et pour vous endormir au gaz, les dirigeants des firmes de jeux vidéo vont vous dire qu’ils sont au Québec surtout en raison de la qualité de ses universités, des talents québécois uniques dans le monde, du «bilinguisme», etc. Parlant de lobbyistes : «Une ex-DG de Revenu Québec (Josée Morin rendue chez la firme comptable internationale PricewaterhouseCoopers) lobbyiste pour l’industrie du jeu» et «Jeux vidéo : l’Alliance numérique engage un lobbyiste (Étienne Gosselin de Ryan Affaires)» (Le journal de Montréal, 19 juillet 2021 et Le Devoir, 28 novembre 2017).
Ubisoft passe de nouveau à GO sous l’acclamation de Fitzgibbon de la CAQ
Les médias écrits et leurs journalistes sont au service des gros joueurs de l’industrie vidéo, comme Ubisoft, Netflix, Google et Amazon en publiant tout le temps de beaux articles qui ressemblent étrangement aux communiqués de presse des entreprises. Absolument aucun sens critique et aucune question pertinente aux dirigeants des entreprises et aux élus enrégimentés. Des exemples de reportages médiatiques voués à vous farcir la cervelle sont comme ceux-ci : je prends uniquement l’exemple d’Ubisoft mais c’est le même lavage de cerveau pour les articles publiés dans nos journaux québécois pour les autres gros joueurs du jeu vidéo, des créateurs de richesse qu’ils vont jusqu’à affirmer.
- «Jeux vidéo. Un studio Ubisoft et 80 emplois de qualité à Sherbrooke» (Le Devoir, 17 novembre 2021). Des emplois de qualité et bien payés, mais en grande partie par l’État, c’est-à-dire par vous et moi;
- «Jeu vidéo. Ubisoft crée un nouveau studio à Saguenay et promet 1000 nouveaux emplois (seulement une promesse sans toutefois donner de laps de temps). La multinationale française compte (encore une autre promesse) investir 780 millions sur dix ans à recevoir en subventions à l’investissement)» (Le Devoir, 6 septembre 2017);
- «Ubisoft. Montréal a battu Paris et Shangai» (La Presse, 10 février 2017). Et pourquoi donc, selon vous, que Montréal a battu ces grandes villes incluant Bucarest et d’autres? Un article du type infopublicité;
- Maintenant un article du genre publireportage, que La Presse se fait une gloire de publier en «exclusivité» : «Exclusif. 500 nouveaux emplois chez Ubisoft. L’éditeur français de jeux vidéo investit 300 millions pour la création d’un nouveau studio à Montréal, consacré au jeu en ligne» (La Presse, 30 septembre 2013)
- «Jeux vidéo. Le géant (grâce à l’aide gouvernementale sonnante et trébuchante) est là pour de bon (ah que mon seuil d’allégresse exulte). L’empreinte québécoise d’Ubisoft est profonde (tant que le robinet sera ouvert et quelle pourra se servir allègrement au buffet et au bar ouvert, sinon c’est bye bye mon cowboy), dit son vice-président» (Le Devoir, 18 novembre 2015);
- Et comme Ubisoft est suspendu et addict aux subventions, les grosses de Québec ne suffisent plus : «Jeux vidéo. Ubisoft demande une aide fiscale (une autre!) aux partis fédéraux» (La Presse, 5 avril 2011).
Fitz et la CAQ déconnent et disjonctent
«Ubisoft étend son terrain de jeu (et de subvention) jusqu’à Sherbrooke» (Le Journal de Montréal, 16 novembre 2021). Ah que le ministre caquiste de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, «l’éthicien» qui a plusieurs business subventionnées et plusieurs amis importants comme l’opportuniste co-fondateur de la CAQ, le milliardaire Charles Sirois, un fidèle abonné aux subventions, était content d’annoncer ce nouvel investissement du privé mais massivement financé par des fonds publics en radotant toujours la même insignifiante cassette creuse sans toutefois avancer aucun chiffre sérieux afin d’appuyer ses chimères (c’est drôle mais le président d’Ubisoft présent avec Fitz à la conférence de presse a décliné toute demande d’entrevue au journaliste du Journal de Montréal.
La CAQ s’adapte et change son discours
Youri Chassin, alors économiste en 2013 à l’Institut économique de Montréal, un organisme très à droite financé par le patronat est devenu, en 2018, député caquiste du comté de Saint-Jérôme. Tout de même curieux que Youri, en 2013, contrairement au blabla de Fitzgibbon sur les énormes bienfaits d’Ubisoft, disait alors que «plusieurs études ont conclu que les subventions à l’emploi ne sont pas rentables» (Des emplois dispendieux. Le Journal de Montréal, 1er octobre 2013).
Et la même journée du premier octobre 2013, Pauline Marois, alors première ministre du Québec, disait, sans rien de sérieux pour appuyer ses prétentions, à l’effet qu’il était bénéfique pour la province de payer 37,5% des salaires versés aux employés par Ubisoft que : «Le gouvernement péquiste (comme ceux de la SAQ et du PLQ) soutient que ce type d’investissement (financé par l’État) est rentable. Mais les péquistes (comme les caquistes et les libéraux) ne sont pas en mesure de chiffrer les recettes fiscales générées par les emplois subventionnés» (500 postes au Québec créés par Unisoft (mais financés par des fonds publics). Le Journal de Montréal, 1er octobre 2013). À ce compte, Ubisoft doit être rendu le plus employeur du Québec!
Rions encore des promesses creuses de la CAQ et du PLQ
«La CAQ veut éliminer des crédits d’impôt (subventions directes) accordés aux entreprises» (Le Devoir, 11 août 2012). François Legaut est un humoriste qui aime rire… des autres. Éliminer des subventions aux entreprises n’était qu’une folichonne promesse formulée en 2012 par la CAQ qu’il ne fallait pas prendre au sérieux car la CAQ a plutôt multiplié les subventions depuis son élection en 2018.
Je vous l’ai déjà dit, PQ, PLQ et CAQ, c’est souvent du pareil au même comme ces promesses en l’air jamais tenues formulées par Pauline Marois et le PQ en 2007, et en 2010 par Clément Gignac alors ministre libéral de l’Économie : «Québec (PQ) songe à éliminer (comme la CAQ l’avait promis) d’ici 2005 les crédits d’impôt (subvention) aux entreprises» et «Le banquier Daoust (PLQ) va fermer le robinet. Le ministre de l’Économie veut couper dans les subventions aux entreprises» (Le Devoir, 16 décembre 2002 et le Journal de Montréal, 20 septembre 2014). Belles promesses pour se faire élire. Et une fois élus c’est business as usual, dans le sens que c’est le patronat qui mène : «Québec (PLQ) répond aux demandes du milieu des affaires. Le secteur du jeu vidéo retrouve son aide fiscale (qu’il n’a jamais perdue)» (Le Devoir, 27 mars 2015).
Quelques questions à poser aux élus
- Où sont les études démontrant que l’industrie du jeu vidéo est payant pour le Québec?
- Combien Ubisoft a payé d’impôt sur le revenu au Québec depuis 2000?
- En cette période de pénurie d’emplois au Québec, combien de travailleurs étrangers, subventionnés eux aussi, l’industrie du jeu fait-elle venir chaque année? Et ces travailleurs étrangers ont-ils droit à une exonération d’impôt au Québec à titre de cerveau (un programme fiscal afin d’attirer les perles rares comme le font les pays sous-développés)?
- Est-il pertinent de subventionner des jeux vidéo violents et semant des valeurs superficielles, comme la beauté et l’argent? Devrait-on plutôt allouer nos fonds publics à des choses plus utiles?
Enfin en 2017, le groupe de recherche CIRANO, suite à une étude, conclut que : «Le crédit d’impôt versé aux entreprises de jeu vidéo n’est pas rentable» (Le Devoir, 18 septembre 2017).