
Une «brève analyse» du Mouvement Desjardins
Ce n’est malheureusement pas demain que nos médias vont arrêter de nous remplir comme des valises et d’être des haut-parleurs des puissants. Par exemple, le 3 décembre 2021, j’ai sursauté à la lecture de cet article publié dans Le Devoir et rédigé par Éric Desrosiers. Un très long reportage portant sur une «brève analyse» (c’est le journaliste qui le dit lui-même dans son papier) émanant de la Banque Desjardins : «Une pandémie payante jusqu’à présent. Alors que le Québec fait face à une crise économique, le portefeuille de ses citoyens, incluant les moins nantis, lui, ne se porte pas si mal (même très bien selon les grossières prétentions des experts de Desjardins» (Le Devoir, 3 décembre 2021).
Crise économique pour certains et klondike pour d’autres : les institutions financières
Le Mouvement Desjardins, en fait, on devrait dire la Banque Desjardins car les notions de sociétaires et d’actionnaires, de ristournes et de dividendes, c’est du pareil au même. Il faut arrêter de jouer sur les mots et sur les concepts. Desjardins, une coopérative, faites-moi rire! D’ailleurs, on ne dit plus la Coopérative Desjardins, mais plutôt le Mouvement Desjardins.
Cette partie du titre de l’article du serviable journaliste m’a bien fait rire quand il mentionne que «Alors que le Québec fait face à une crise économique…».
Les banques et Desjardins : la crise, elle est où?
Les économistes Bégin et Tessier-Moreau de Desjardins ont omis de dire audit journaliste, et lui a oublié de leur faire la remarque, qu’au Québec et au Canada, les banques canadiennes, incluant Desjardins, ne font pas face à une crise économique en raison de la pandémie. Bien au contraire. Pour l’année 2021, elles ont toutes augmenté substantiellement leurs bénéfices nets. Par exemple, la Banque Royale (RBC) a dégagé un profit annuel de 16 milliards et la banque Toronto-Dominion (TD) en a engrangé un de 14 milliards$, en hausses de 40% et de 26% sur l’exercice précédent. Éric Desrosiers aurait dû, selon moi, intituler son infopublicité ainsi : «Une pandémie payante pour les banques canadiennes… jusqu’à toujours». En plus, en 2021, elles ont fait explorer leurs dividendes et ristournes et vont racheter leurs propres actions pour des milliards de dollars. Le cartel bancaire canadien tient les consommateurs et les gouvernements en laisse. Voilà pourquoi on paie plus cher qu’ailleurs en frais bancaires, taux d’intérêt sur les hypothèques et les cartes de crédit, etc. C’est pas moi qui l’affirme, c’est la revue The Economist.
Le journaliste parle d’une brève analyse de Desjardins
Tout de même curieux, et même un petit brin suspect. Le journaliste Éric Desrosiers , du très sérieux Devoir, parle au début de son texte d’une «brève analyse» de la Banque Desjardins. On parle donc ici d’une brève analyse de quelques pages et pas du tout d’une recherche ou d’une étude approfondie. Depuis quand consacre-t-on un article de journal d’une grosse demie0page à une «brève» analyse? Oui, je sais que Desjardins est un gros publicitaire, mais quand même…
Les amis, je vous invite à lire ledit article. Vous allez constater que c’est cousu de fil blanc; que l’on parle souvent de pourcentage et non de chiffres absolus; que l’on fait des rapprochements sélectifs tordus que l’on a choisi avec grand soin afin de démontrer que les pauvres se sont «enrichis» durant la pandémie. Ben oui, au Québec, il n’y a pas de riches ou si peu, et pas de pauvres, sûrement pas plus que le nombre de caribous forestiers encore vivants au Québec. Le Québec, un pays parfaitement égalitaire où l’on voit et surtout où l’on voit la vie en rose.
Quelques «brèves» énormités extraites de la «brève» analyse
Dans leur brève mais «experte» analyse, les auteurs de Desjardins signalent ceci : «L’avoir net des Québécois s’est apprécié dans toutes les tranches de revenus, y compris ceux qui ont gagné moins de 30 000$ en l’an 2020». Aie, nous prenez-vous pour des pieds de céleri? Vous dites bien «l’avoir net» des gens qui gagnent si peu n’ont généralement pas un «avoir net» mais plutôt un «passif net». Aux experts de Desjardins et à l’ami journaliste, je suppose que c’est à eux que vous référez lorsque vous mentionnez qu’en 2020 plusieurs ont vu leurs investissements en bourse, dans leur REER, dans leur REEE et sans leur CELI bondir? Quelle grotesque rigolade. De la pure propagande.
Attendez, ce n’est pas terminé. Les économistes Bégin et Tessier-Moreau mentionnent aussi que «les chômeurs et les travailleurs sans emploi ont vu leurs revenus augmenter le plus (en pourcentage), toutes proportions gardées en 2020». Et soyez dans l’allégresse, car ils affirment toujours avec leur belle assurance et leur belle condescendance que même «les locataires se sont enrichis, quoique beaucoup moins». Est-ce que le journaliste s’est enquéri de la source de ses donnée3s, du choix des rapprochements effectués, des données retenues, etc.? Pourquoi parlez toujours en termes de pourcentage et non de chiffres absolus? Si mon compte de banque est passé de 100$ en 2020 à 200$, ça fait une augmentation fulgurante de 100% alors que si l’avoir net d’un autre individu s’est accru d’un million de dollars à un million cent mille, ça fait une hausse de son avoir de seulement 10%. Donc, peut-on en conclure que le moins nantis s’est enrichi davantage que le riche et que la pandémie lui a été plus profitable? Ah ce que l’on est prêt à faire et à dire pour nier qu’il y a des pauvres et des milliardaires au Québec. On veut vous faire accroire qu’au Québec on a une fiscalité progressiste, une parfaite égalité des chances face aux services publics et que l’on est un des endroits les plus égalitaire au monde.
D’autres hypocrites comme Desjardins
Des servants de dominants, il en a plein d’autres au Québec comme l’économiste de l’Université de Sherbrooke, Luc Godboout, et celui de l’UQAM, Pierre Fortin, qui pensent toujours comme le patronat : baisses d’impôts, privatisations, austérité, tarification de services publics et hausse costaude de la TVQ à appliquer même sur les aliments. En passant, Éric Desrosiers aime ce genre de lucides puisque j’ai retracé ces deux articles rédigés par lui et consacrés à ses deux «experts» appréciés par l’élite : «Le Québec a un préjugé favorable pour les familles à faible revenu note le fiscaliste Luc Godbout» et «Au Québec, l’enrichissement profite à tous (et surtout aux pauvres) selon Pierre Fortin» (Le Devoir, 27 avril 2016 et 24 novembre 2012). C’est du n’importe quoi. Mais les médias les aiment et les considèrent comme des experts universitaires émérites.
Éric Desrosiers n’est pas pire que le quatuor infernal du Journal de Montréal composé de Mario Dumont, Richard Martineau, Mathieu Bock-Coté et Joseph Facal, tous de fervents disciples des bienfaits de la pseudo-démocratie capitaliste qui ressemble plus à une dictature capitaliste. Ainsi, citant l’organisme patronal de droite, soit l’Institut économique de Montréal, Joseph Facal a mentionné en gros que la pauvreté est un mythe au Québec. À cet effet, lisez sa fabuleuse chronique du 23 septembre 2015 publiée dans le JDM et intitulée «Il n’y a pas de fatalité». Et l’autre du même genre à La Presse, Francis Vailles, qui, se référant aux études très subjectives et très orientées du professeur universitaire Luc Godbout, pondait une chronique songée intitulée «Les Québécois s’appauvrissent? Faux» (La Presse, 25 juin 2015). Ben non, tout le monde sait, et Desjardins vient de le «prouver» avec ses faits «alternatifs» qu’au Québec les pauvres s’enrichissent plus vite que les nantis.
Pendant ce temps-là au Québec : la vraie réalité pour certains
Mes amis, ces charlatans et ces commis-voyageurs, tout comme le patronat, ont intérêt à ne pas dire la vérité afin que l’on ne remette pas en question leur richesse et leurs privilèges. C’est pourquoi les représentants de la classe dominante se paient à gros prix des universitaires, des organismes de recherche, des articles de journaux et acquièrent plusieurs médias comme l’ont fait Bell, Cogéco, Rogers, Bloomberg, Murdoch, Maxwell, Bezos d’Amazon, Vivendi, etc.
Alors que Desjardins et d’autres de même nature et de même structure nous racontaient des histoires invraisemblables à dormir debout, au même moment, soit au cours des derniers mois, on pouvait lire le titre de ces articles peignant une réalité moins jovialiste et moins déformée :
- Radio-canada, 7 octobre 2021 : «Près d’un Canadien sur 5 a fait appel à l’aide alimentaire depuis mars 2020»;
- Radio-Canada, 3 décembre 2021 : «L’Inflation rend la vie dure aux moins nantis»
- JDM, 5 décembre 2021 : «Paniers de Noël : l’inflation donne du mal aux banques alimentaires. Les paniers de Noël sont déjà en forte demande et coûtent 30% plus cher».