
Une fiscalité de plus en plus régressive
Au cours des cinquante dernières années, la fiscalité québécoise et canadienne est devenue de plus en plus régressive, dans le sens que l’on a baissé radicalement les taux d’impôts sur le revenu des compagnies et des riches pendant que l’on multipliait les subventions gouvernementales à ceux-ci; que l’on a aboli l’impôt sur la richesse communément appelé successoral; que l’on a réduit généreusement l’impôt sur les gains en capitaux, qui représentent le gros des revenus de gros nantis détenteurs de capitaux (la partie imposable passant de 75% à 50%); que l’on a accru les abris fiscaux comme les options d’achat d’actions, les fiducies, les compagnies de gestion personnelle, les CÉLI, les REER, les REEE, les reports d’impôts; que l’on a encouragé de façon hypocrite l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux et multiplié les échappatoires fiscales, etc. Après, certains affranchis émérites viennent vous dire que l’on a ici au Québec et au Canada une fiscalité progressive. La population a toujours été contre les baisses d’impôts consenties aux compagnies et aux pachas et contre les paradis fiscaux mais, que voulez-vous, nos élus sont avant tout au service de la classe dominante dans ce monde capitaliste.
Un simple exemple pour vous les amis. En 1970, le taux d’impôt fédéral sur le revenu des sociétés au Canada était de 40%, puis est passé à 29% en 1990, à 19% en 2010 et est descendu depuis 2012 à 15%. On parle ici du seul taux d’impôt fédéral officiel. Ces baisses d’impôts allouées aux entreprises ont principalement profité aux riches actionnaires et ont contribué à faire exploser les inégalités économiques. Pendant ce temps-là, la classe moyenne qui ne peut recourir aux paradis fiscaux et qui ne peut s’incorporer (comme les médecins font) a eu droit à des augmentations des taxes à la consommation, des taux d’électricité non déductibles d’impôt et sujets à la TVQ-TPS (pour elle mais pas pour les compagnies), des tarifs de nombreux service publics, etc. Ainsi va la vie dans nos pays capitalistes pseudo-démocratiques dans lesquels la liberté est un leurre. En passant, on parle ici du taux d’impôt fédéral légal ou statutaire de 15% qu’aucune entreprise ne paie, bien évidemment en raison des déductions fiscales permises, des échappatoires fiscales connus et tolérés et de l’évasion fiscale. Le taux d’impôt effectif ou réel au fédéral est nettement moindre.
Le sacrilège de penser à hausser l’impôt des banques milliardaires
Pour l’année 2021, soit en pleine pandémie, le cartel bancaire canadien a encore enregistré des profits records. Par exemple, la Banque Toronto-Dominion a réalisé un profit net de 14,3 milliards$ et la Royal-Bank de 16,1 milliards$. Elles ont toutes augmenté de beaucoup les dividendes versés à leurs riches actionnaires, qui sont moins imposés que les revenus d’emplois (c’est pourtant le travail qui créé de la richesse et non les gains en capitaux) et en ont profité pour racheter de leurs propres actions, ce qui est l’anti-thèse de l’investissement, à coups de milliards.
Afin de seulement épater la galerie, et passer pour un gars au service du peuple, Justin Trudeau a lancé l’idée saugrenue de peut-être augmenter l’impôt sur le revenu des institutions financières canadiennes : «Le gouvernement Trudeau inquiète le secteur financier» (Radio-Canada, 24 septembre 2021). Quel geste outrancier et naturellement les riches banques, qui emploient beaucoup d’ex-politiciens comme Raymond Bachand et Clément Gignac, et qui font élire plusieurs des leurs comme Éric Girard, Michael Fortier, Martin Coiteux et Carlos Leitao, se sont montrés indignées : «La COBC défend les banques en réplique à Trudeau» (Le Devoir, 27 août 2021). Oui, les gens sont favorables à l’augmentation de l’impôt sur le revenu du cartel des banques milliardaires qui arnaque sans vergogne les clients captifs.
Comme d’habitude, des journalistes, des chroniqueurs et des universitaires sont montés au front patronat pour nous dire qu’il n’est pas bien et que ce n’est pas bon de taxer les riches et les nantis en vous servant des arguments fallacieux et tordus, comme ce fut le cas pour le chroniqueur économique Michel Girard du JDM : «Les banques passent au cash sur votre dos» (Le Journal de Montréal, 31 août 2021). Dors en paix Michel, Trudeau a changé d’idée et il ne taxera pas les banques. Mais quelle ingratitude de lancer des idées subversives comme celle de mieux répartir la richesse et d’assurer à tous l’égalité des chances face aux biens et aux services publics?
Ah non, pas un autre journaliste affranchi au JDM?
Il ne faut pas taxer davantage les banques et autres compagnies milliardaires selon certains commis et préposés journalistes et universitaires. Et voilà qu’un autre journaliste du journal de Montréal y va de sa touchante recommandation : «Baisser les impôts des travailleurs pour contrer la pénurie de main-d’œuvre» (Le Journal de Montréal, 4 décembre 2021. Et dire que les médias sont supposés être indépendants et libres…
Bon, selon nos deux journalistes de l’empire Québecor, il ne faut pas taxer les banques et il faut défiscaliser les travailleurs de toutes classes et de toutes catégories. Cette idée loufoque peut sembler attrayante et humaniste à première vue, mais il n’en est rien. Selon Pierre-Olivier Zappa, il faut, afin de contrer la pénurie de main d’œuvre, baisser l’impôt des travailleurs plutôt que simplement demander à l’employeur de hausser le salaire se ses employés. En somme, Zappa demande à l’État de défrayer l’augmentation de salaire des travailleurs plutôt que d’appliquer une baisse d’impôt sur le revenu. Si on ne doit pas taxer davantage les riches et les compagnies, et que l’on doit diminuer l’impôt des travailleurs, les recettes fiscales de l’État diminueront, n’est-ce pas? Et qui dit moins de recettes fiscales dit moins d’État et donc moins de services publics qu’il faudra donc par la force des choses privatiser. Tout simplement merveilleux comme démarche fiscale.
Oui, et je le répète encore une fois : la classe moyenne est trop imposée en raison des nombreux privilèges fiscaux accordés aux nantis et aux entreprises. Il faudrait revenir au fondement de base de l’impôt qui est de taxer la richesse et le revenu. Pour ce faire, il faudrait, si on avait vraiment des gouvernements au service de la population, hausser l’impôt des riches et des compagnies, réduire leurs échappatoires et évasions fiscales et couper dans leurs subventions afin de réduire l’impôt et les taxes de la classe moyenne.
Il ne faut pas non plus taxer les riches
Malgré son nom accrocheur, la Fédération canadienne des contribuables est financée par le patronat et est au service de la classe dominante. Dans sa lumineuse opinion publiée avec empressement par Le Devoir le 31 août 2021, le directeur Québec de ladite fédération, Renaud Brossard, nous dit qu’il ne faut pas taxer, même un peu plus, les riches, car ils sont très mobiles et ils vont s’en aller ailleurs, et qu’ils paient déjà supposément beaucoup d’impôt sur leurs revenus fiscaux déclarés mais pas si l’on prend leurs revenus économiques. La solution pour les gouvernements, selon ce commissaire patronal, il me mentionne dans la dernière phrase de son opinion : «Pour réduire le déficit… c’est plutôt la colonne des dépenses qui devrait retenir leur attention». Bon, si on suit les recommandations des experts éclairés mais non éclairants, il ne faut pas taxer les banques et autres compagnies; il ne faut taxer et harceler les Crésus et il faut baisser l’impôt des travailleurs. Voilà, belle affaire. C’est très réaliste.