Éric Duhaime, la santé privée et les coins ronds

https://www.lesoleil.com/2021/11/20/le-parti-conservateur-du-quebec-veut-plus-de-prive-en-sante-f37b9c545d23346d57c29e26466d8e4f

Éric reprend la vielle cassette éculée

Ben oui, qui dit privé, dit efficacité accrue, innovation et féroce concurrence qui font baisser les prix pour le plus grand bien des consommateurs et de l’État qui perçoit alors de gros impôts de ces entrepreneurs. Ça c’est la légende enseignée aux intoxiqués qui y croient dur comme fer. Ben non, dans leur imaginaire, les cartels privés n’existent pas du tout, comme les paradis fiscaux. Alors expliquez-moi comment se fait-il qu’au Canada, l’internet, le système bancaire, le pétrole et le pharmaceutique c’est privé et c’est ici que les Canadiens et les Québécois paient pratiquement le plus cher au monde. Allô concurrence quand les agents économiques affichent tous les mêmes prix et les augmentent tous en même temps. Pandémie ou pas, c’est toujours des profits records.

 Ce qui fait que le chef conservateur du Québec, Éric Duhaime, à court de politiques sérieuses bénéficiant au monde ordinaire, ressort du placard ses vielles rengaines accrocheuses, sensationnalistes et menteuses fondées sur l’illusion et la fiction que le privé en santé est la solution pour diminuer les coûts du système public pour l’État, d’éliminer les listes d’attente pour avoir droit à un médecin de famille, pour se faire opérer rapidement et de ne plus sécher à l’urgence de l’hôpital. Ça fait plus de 50 ans que les Bouchard, Charest, Couillard, Rochon et autres opportunistes font du millage avec ça. Même si les faits démontrent que le privé en santé accentue les problèmes d’accessibilité et de coûts, Éric Duhaime entretient ce mythe alléchant avec l’aide des journalistes et des chroniqueurs qui, en bons ignorants et vendus qu’ils sont, trouve l’idée du privé en santé audacieuse, rafraichissante, courageuse, novatrice et j’en passe, comme les pousseux de «puck» au Journal de Montréal que sont les Martineau, Facal, Bock-Côté, Bombardier, Dumont et autres.

Il faut alors m’expliquer pourquoi?

Mes amis, au Canada, c’est au Québec qu’il y a le plus de privé en santé depuis longtemps et c’est pourtant ici qu’il y a le plus de gens sans médecin de famille, qui attendent le plus à l’urgence ou pour se faire opérer. Pourriez-vous m’expliquer? J’ai posé souvent la question à Éric Duhaime, que je connais depuis longtemps, et chaque fois, comme c’est son habitude, il ne répond pas à la question, tergiverse, verse dans les généralisations abusives et dans les mensonges et les dénis.

Aie, ça ne date pas de hier que le Québec est le champion au Canada pour la santé privée, comme le démontrent éloquemment mes articles datant de 2007 et de 2010. Et Éric Duhaime répète inlassablement qu’il va «introduire» le privé au Québec alors que cela existe depuis longtemps, tout comme il affirme vouloir mettre fin au monopole de la SAQ alors que cette société à propriété collective est déjà largement privatisée par le biais des nombreuses agences privées et des vins de plus en plus nombreux offerts dans les épiceries et les dépanneurs, sans parlé de la bière. Maxime Bernier et Éric Dumaine, c’est du pareil au même : deux charlatans. Bon, revenons à mes deux articles de 2007 et de 2010 : «Santé privée. Le Québec est la province qui fait le plus de place au privé» et «Santé. Le Québec champion du privé» (La Presse, 23 avril 2010 et 22 mars 2007).

Il faudrait me dire comment?

C’est connu, le Québec, le Canada et les États-Unis sont les pays en Occident qui comptent le moins de médecins par mille habitants et où ces derniers sont les mieux payés en raison de leur puissant rapport de force amplifié par vos élus. Alors, si on privatise davantage la santé, plusieurs médecins vont quitter le réseau public, ce qui fera exploser les délais, les pénuries et les problèmes dans le réseau public. Si l’offre de médecins diplômés stagne au Québec et que l’on privatise, il est bien évident que c‘est le système public qui écopera, à moins que l’on augmente significativement le nombre de diplômés en médecine au Québec, que l’on fasse venir des médecins d’Europe ou que l’on donne plus de responsabilités aux superinfirmières, ce que le syndicat des toubibs, qui a le contrôle, ne veut absolument pas.

Alors ça fait que le Québec qui est, depuis longtemps, le champion au Canada pour la santé privée et malgré les prétentions, c’est toutefois lui qui affiche les pires résultats comme ceux-ci :

  • «159 000. C’est le nombre de Québécois en attente d’une opération chirurgicale» (Le Devoir, 22 février 2022);
  • «Manque de lits : 1400 Québécois morts à l’urgence sur une civière en 2021» (Le Journal de Montréal, 14 février 2022);
  • «Quelques 900 000 Québécois sont en attente d’un médecin de famille» (Le Journal de Montréal, 29 janvier 2022);
  • «599 jours d’attente pour avoir son médecin de famille au Québec» (Le Journal de Montréal, 2 août 2021);
  • «Québec (CAQ) repousse l’offre de médecins étrangers» (Le Devoir, 22 avril 2020);
  • «Les médecins refusent de déléguer des actes aux superinfirmières» (Le Devoir, 27 septembre 2016);
  • «Santé Québec. Parmi les pires urgences en Occident» (Le Journal de Montréal, 3 juin 2016);
  • «C’est au Québec qu’on attend le plus pour voir un médecin» (La Presse, 28 juin 2021).

Et j’ai d’autres questions à Éric Duhaime

C’est au Canada et aux États-Unis que les médecins sont les mieux payés dans le monde. La CAQ avait promis de réduire le salaire des médecins sans jamais y revenir. Et même en 2011, François Legault, alors chef de la CAQ, avait reconnu le problème posé par les salaires trop élevés des docteurs au Québec par rapport aux autres professionnels du gouvernement, ayant autant sinon plus d’années de scolarité universitaire, et par rapport aux médecins en Europe : «La cause des maux en santé. François Legault prône une approche plus musclée avec les médecins. La CSN, c’est de la petite bière à côté des syndicats de médecins» (La Presse, 23 février 2011). Je suppose qu’avec le privé, la rémunération des docteurs va diminuer? Éric est bien capable de vous répondre par l’affirmative.

Elle est où la concurrence dans l’industrie pharmaceutique?

Ce qui fait exploser les coûts dans notre système de santé publique au Québec, ce sont les salaires des toubibs et le coût des médicaments facturés par les pharmaceutiques monopolistiques privées. Ça, Éric Duhaime, afin de mieux tromper les gens, ne le mentionne jamais. Dans son système de santé privé fantasmé, est-ce qu’il va pouvoir réduire les salaires des docteurs et le prix des médicaments? Il faudrait qu’il soit sérieux et surtout honnête. Il sait fort bien que la réponse est «non» : «Médicaments. Les Québécois paient trop cher. La facture totale de médicaments est de 30% supérieure à la moyenne canadienne au Québec» (Le Journal de Montréal, 9 avril 2014). Et depuis 2014, la situation a empiré. Dire qu’avec le privé ça va coûter moins cher, c’est faire preuve de duperie. Même le gouvernement du Canada n’y peut rien face aux prix monstrueux des médicaments imposés par les transnationales pharmaceutiques quiu font la loi : «Réduction du prix des médicaments : pas pour le moment, dit Ottawa (PLC)» (Radio-Canada, 23 décembre 2021). En fait, la vraie réponse n’est jamais que les gouvernements pourront exiger des diminutions de prix des médicaments qui font exploser les coûts en santé publique et qui appauvrissent les individus qui doivent payer le gros prix arnaqueur.

La question qui tue à Éric Duhaime

Si le privé en santé est la façon de réduire les coûts en raison de la concurrence «fabulée», Éric devrait nous dire alors pourquoi que c’est aux États-Unis que l’on retrouve les coûts en santé les plus élevés au monde, par rapport aux autres pays qui donnent préséance à la santé publique, même si aux States le privé en santé est majoritaire. C’est chez l’Oncle Sam que les coûts sont deux fois plus élevés par habitant qu’au Canada et qu’en Europe. Pourtant, ils ont un système de santé privée. Il devrait aussi nous dire pourquoi aux États-Unis la santé privée est la principale cause des faillites personnelles et qu’il y a, en plus, environ 30 millions d’Américains sans aucune couverture d’assurance-santé? Cela ne date pas de hier, comme le montre cet article de 2003 que j’ai ressorti de mes vieux dossiers : «L’hospitalisation, cause première des faillites (la deuxième est occasionné par les coûts exorbitants de l’éduction universitaire) aux États-Unis. Un groupe de 8000 médecins réclame la création d’un système de santé universel et gratuit» (Le Devoir, 18 août 2003). Donald Trump dit que le système public en santé c’est du communisme.

Éric qui cite tout croche l’exemple de la santé privée en Suède

Aie, afin de donner du poids à ses élucubrations, monsieur Duhaime cite souvent la Suède en exemple de façon très malhonnête. Malgré ça, les journalistes gobent ses errements et ses faussetés sans rien remettre en question et sans poser de questions. Bne oui, prétendre que même un pays social-démocrate comme la Suède a recours intensément au privé frappe dans le mille. Mais cela est faux. À cet effet, puis-je vous inviter à lire l’opinion de Marie-France Raynault, professeure à l’université de Montréal, publiée dans La Presse du 13 novembre 2014 et intitulée : «Légendes suédoises». Elle dit, entre autres choses, que : «Le système suédois est plus «public» que le nôtre. Au Canada, 71,2% des dépenses en santé sont financées par le secteur public contre 81,4% en Suède. Seulement 1,5% des citoyens de la Suède ont recours au privé en santé. La Suède n’est pas un bon pays pour brasser des affaires dans le domaine de la santé». Ah oui, Éric oublie toujours de dire que la Suède compte 5,4 médecins par 1000 habitants contre 2,4 au pays. En passant, Cuba compte 8,4 docteurs par 1000 habitants.

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